Texte publié dans La Libre Belgique du mardi 7 juin 2016, Débats Opinion, 133e année, n° 159, pp. 50-51.
Consulter un philosophe praticien arrangerait-il ma vie, la vie ? Peut-on sortir de ce que la vie nous fait subir, bien souvent à rebours des plaisirs qu’elle dispense ? Une vie qui trop de fois nous empoisonne, fatigue, stresse, déprime et j’en passe ! Lorsque le désir n’y est plus et que tout semble sens dessus dessous ; bref, sans sens.
La consultation philosophique est une pratique philosophique reconnue par l’UNESCO depuis 2006, et pratiquée tant dans la plupart des pays européens (Allemagne, Autriche, France, Pays-Bas, Italie, Suisse et Norvège), dont la Belgique, qu’aux Etats-Unis mais aussi en Israël. En Italie, un master en consulenza filosofica est organisé à l’Université de Venise. Ainsi, la consultation philosophique, mise au point par Gerd Achenbach en 1981, donnée par un praticien philosophe, appelé aussi philothérapeute ou philoconsultant, se hisse au coeur même des méthodes visant à améliorer cette vie qui nous met à moultes reprises en désarroi, voire en détresse.
Le praticien philosophe écoute, dialogue, propose des pistes de sens et de réflexion, ouvre la vie, éclaire l’existence, délivre la liberté, crée du sens, prescrit des concepts et des lectures, tous susceptibles de rendre du sens au vivre, à ma vie. Et ce par la clarification des situations que nous vivons en posant des mots adéquats. Cette mise au clair, suite au dialogue, mêlée à des concepts philosophiques de la tradition, permet une compréhension qui mène à une liberté mieux appréhendée. En saisissant que ce que je vis, en comprenant que cette angoisse et cette impasse, ces anxiétés et ces difficultés, ont été vécues de tout temps, nous nous rendons compte de ce qui est important : montrer que ces crises sont normales car existentielles, profondément humaines et partagées par tant de philosophes, tant d’humains.
Etre en burn-out ne signifie donc pas nécessairement que je sois malade mais que je vive avec une intensité particulière la crise existentielle avec laquelle nous avons à vivre et qui, paradoxalement peut-être, nous aide à aimer avec sagesse notre vie et la vie, pour peu que philo-sophie, cet amour de la sagesse, se porte au service d’un mieux vivre. Mieux, les affections existentielles génèrent même des vies créatives et créatrices.
La méthode est simple, positive, dialogique, constructive, bienveillante, axée sur l’intelligibilité qui clarifie et l’esprit qui comprend. Le comble est que cette consultation améliore la santé de l’ ‘âme’ et donc la santé tout court. En faisant le point en passant par la philosophie et un praticien philosophe, c’est à la fois un bilan de vie qui est proposé mais aussi un avenir et un projet de vie qui la repense en l’inventant, en retrouvant du sens qui est toujours à faire, à dire et à partager.
Bien loin de tout dogme de vie qu’il faudrait suivre, comme on suivrait les pas d’un gourou, d’une secte ou d’un régime, la pratique de la consultation philosophique procure les outils nécessaires à faire de la vie sa vie, ‘ma vie’. La seule en définitive que je puisse vivre mais que je peux gâcher ou anéantir parce que n’ayant pas justement les moyens philosophiques suffisants pour la vivre pleinement.
A ce titre, les ressources de la philosophie n’ont pas été utilisées à leur plein régime. Notre culture millénaire est remplie d’exemples de sagesse, depuis la Grèce antique (Socrate et son dialogue) jusqu’aux philosophies contemporaines (Husserl et sa mise entre parenthèses, Jaspers et son éclairement de l’existence, Habermas et son agir communicationnel) en passant par l’âge classique (Descartes et son doute). La voie empruntée par le philosophe praticien s’en inspire et puise dans le creuset de notre civilisation pour notre bien-être.
En résumé, nous sommes beaucoup plus intelligents que nous ne l’imaginons et nous n’utilisons pas toutes les potentialités de notre propre vie philosophique, spirituelle et intellectuelle, qui n’excluent nullement l’émotionnel ou le corps, bien au contraire. Ce que les Orientaux ont compris depuis très longtemps. Nous aussi avons une sagesse ancestrale mais nous nous la cachons à nous-mêmes sans nous
en rendre compte.
La philosophie comme pratique de consultation donne vie à cette tête mieux faite que nous pouvons le croire afin de défaire les noeuds qui, par deuil, maladie, angoisse, souffrance, solitude, violence, peur, culpabilité, échecs, difficultés dans le couple ou au travail, rendent triste, pessimiste, fatigué, déprimé ou vide de sens ; noeuds que l’existence et nous-mêmes nouons bien souvent. Nous pouvons aussi les défaire, les détendre et déployer le fil de notre vie vers la sérénité et la liberté
recherchées par toute l’humanité.
Il s’agit d’un traitement … oui, mais philosophique ! Somme toute, une envie de sens qui crée les conditions d’un centre de gravité personnel, solide et efficace, afin de vivre davantage, mieux. Etes-vous prêt, pour y voir clair, à passer dans le scanner d’un praticien philosophe ? Etes-vous d’attaque pour vous faire ‘philographier’ sans rayons autres que ceux où sont posés les livres où l’amour de la sagesse s’égrène au fil du temps ?