Edité par Guy van Kerckhoven et Robert Alexander
Les “Fragments phénoménologiques sur le temps et l’espace” (2006), publiés par M. Richir, ont choisi la « chôra » platonicienne comme « topos architectonique » d’une épochè « hyperbolique », ouvrant sur l’altérité de l’espace. Les contributions de A. Schnell, R. Alexander, P. Posada, A. Mazzù, F. Mattens, J. De Visscher, D. Bauer, Y. Murakami et M. Belderbos, réunies dans le présent recueil, jaillissent sans exception de cette mise entre parenthèses aussi bien du « Dingraum » de la phénoménologie husserlienne que du « gelebter Raum », foyer de l’analyse existentielle. L’espace « chôratique » ainsi entrouvert n’est autre que celui d’une « Phantasieleiblichkeit », base archaïque vivante de l’espace, soigneusement tenue à distance à la fois de l’institution symbolique du lieu et de celle du bâtir. Avec elle, l’architecture entretient un rapport singulier, pour peu que celle-ci ne soit précisément pas l’art de recouvrement de sa « sauvagerie » inchoative. Ce rapport fait la véritable intrigue du livre présent.
TABLE DES MATIÈRES Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Entrées en espaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
M. Richir, Considérations phénoménologiques sur la chôra. . .17
A. Schnell, Spatialité et transcendance . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
R. Alexander, Chora – corps incorporel. Vers une nano-métaphysique . . . 51
P. Posada, Hyperbole et proto-spatialisations . . . . . . . . . . . . . . 67
A. Mazzù, Ekstatique, thymique, pathique: dimensions phénomé- nologiques de l’espace humain . . . 97
F. Mattens, Entre image et détail: petite remarque sur le voir même . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
J. De Visscher, Le défi de l’abstraction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
D. Bauer, Le présent et l’absence dans l’imaginaire des espaces intérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Y. Murakami, La spatialisation de la vie dans l’hôpital psychiatrique au Japon . . . . . . . . . . . . . . .163
M. Belderbos, L’espace publique et l’acte d’architecture . . . . . 181
Notes biographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
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Dans la revue les Annales de Phénoménologie, numéro 15, 2016, Amiens :
« De la cont(r)actibilité en phénoménologie » – pp. 133-139.
Dans la revue DIVINATIO, studia culturologica series, Maisons des Sciences de l’Homme et de la Société, volume 41, 2016, Sofia :
« Ogkorythme et/en phénoménologie » – pp. 79-92.
De la cont(r)actibilité en phénoménologie
Robert Alexander
A la suite de notre contribution parue dans le numéro 14 des Annales de phénoménologie en 2015, intitulée « De la cont(r)actibilité – Exercices d’agilité phénoménologique », plusieurs questions nous ont été posées par Marc Richir et Alexander Schnell, et force est de constater qu’elles restent pendantes et méritent effectivement d’être traitées plus avant. C’est à ces difficultés qu’est consacrée cette étude afin d’éclairer les problématiques envisagées précédemment avec le plus de rigueur possible.
Voici les questions soulevées. Qu’est-ce qu’une diastole affective sans schématisme ? Est-elle virtuelle ? Et, qu’est-ce qu’une systole schématique, alors que, par son hyperdensité, elle ne peut qu’inter-rompre le schématisme ? Est-elle aussi virtuelle ? Richir à quant à lui parlé de micro-systole. Mais également, que veut dire ‘battre’ ? De quoi, en quoi, y a-t-il pulsion ? Pulsatilité ? Versatilité ? C’est quoi au juste cet espace-temps non spatial, non temporel où il est par exemple question de ‘surfaces distordues’ ? Où nous amène concrètement une réflexion sur un ‘matériau sans matière, une immatérialité leiblich’ ?
Tout d’abord et avant tout, nous tenons à remercier très vivement Marc Richir et Alexander Schnell pour leurs questions, redoutables à bien des égards, que nous avons reproduites ci-dessus.
De manière la plus générale, nous voudrions dans un premier temps faire quelques remarques de type méthodologique. Il faut savoir que nous nous rendons bien compte que nous travaillons sur des problématiques fort complexes et que nous n’essayons aucunement de trouver quelques failles ou manquements, par exemple à l’architectonique phénoménologique richirenne. Mais, nous tentons de nous interroger en ‘bon’ phénoménologue, ce qui nous amène à poser un certain nombre de questions et pour cela à essayer de bien comprendre, en faisant, nous le concédons, bouger un peu les notions. Et ceci afin, bien évidemment, d’atteindre un plus grand niveau de compréhensibilité, et pourquoi pas, chemin faisant, de nous risquer à quelques infidélités qui ne sont, somme toute et après tout, que des tentatives de faire de la philosophie avec le plus de justesse et de rigueur possibles. Il est bien entendu que tout ceci reste programmatique et que nous nous attelons à en déployer toute l’ampleur. Du travail donc pour bien longtemps, à n’en pas douter !
Le plus difficile est probablement de se défaire tant que faire se peut des paramètres philosophiques qui persistent et empêchent le plus souvent de dire quelque chose de la Sache qui ici est toujours à dire. Nous voulons parler de ces oppositions que sont, et entre autres, pour l’espace, l’interne et l’externe, l’intérieur et l’extérieur, le dedans et le dehors, le devant et l’arrière le centre et la périphérie, le point et la ligne ; et pour le temps, l’instant et l’éternité, le passé et le futur, l’avant et l’après, l’antérieur et le postérieur. Fort de cela, nous nous interrogeons sur la contamination à l’œuvre de ces notions les unes par rapport aux autres, et surtout sur le changement de statut qu’elles manifestent lors d’un exercice phénoménologique. Fort de cela aussi, voici donc quelques éléments ou ébauches de réponses aux questions posées.
Les premières questions concernent l’articulation architectonique de l’affectivité (systole affective), du schématisme (diastole schématique) et de la transcendance absolue. Ce que nous entendons par diastole affective doit être compris au cœur de la dynamique même de la systole affective ou sublime qui, non seulement hyper-densification tout en contraction et en implosion, est redevable à une hyper-dilatation corrélative de l’excès de l’affectivité sur elle-même, excès hyperbolique, ascension vers l’immense, et à ce titre qui creuse un écart non spatial et non temporel entre l’affectivité et la transcendance absolue. Une diastole qui est en quelque sorte proto-schématique semble à l’œuvre. La systole, bien qu’étant extra-schématique et inter-rompant le schématisme, en arrive à garder quelque chose de ce schématisme qu’elle inter-rompt, en ouvrant à la possibilité de la schématisation, comme un cran en avance sur le schématisme, mais déjà ancrée à même le mouvement d’hyper-densification/dilatation (avec retombée sur soi et déclinaison en décalée en transcendance radicale physico-cosmique) de l’affectivité au moment du sublime lorsque celui-ci ouvre l’affectivité à une transcendance absolue extra-schématique en fuite infinie et que cette affectivité la découvre impossible à refermer, à clore, à arraisonner.
Ce qui veut dire que la contraction systolique est d’une certaine manière prise elle-même dans une diastole – que l’on pourrait qualifier de diastole sublime tout aussi bien – affective. Ce que pointe du reste l’hypsos, l’hybris, l’élation de l’excès quasi-antérieure à la contraction systolique. Ce sans quoi il n’y aurait pas ressaut, réflexivité de l’excès, retour sur soi implosant, soi qui justement garde en son cœur la trace de la transcendance absolue comme fuite infinie immaîtrisable.
Cette diastole affective l’est donc de la systole affective, ce qui n’équivaut pas à la diastole schématique, même si elle y est liée par une sorte de réversibilité systo-diastolique qui ne revient pas au même. La diastole affective est donc pré- ou proto-schématique. Peut-être devrions-nous parler plus justement de corrélation diastolico-systolique de premier degré pour l’affectivité – où la diastole est virtuelle, pas encore schématique, mais déjà pro-active et en amorce – et d’une coalescence systo-diastolique de second degré pour le schématisme – où la systole, également virtuelle, n’est encore affective qu’à l’aune post-active par l’infigurabilité des phantasiai-affections qui prennent sens depuis la rémanence, comme trace de l’excès, de la systole justement propre au sublime ici dans la diastole ? Le noyau hyper-dense de l’affectivité en écart comme rien d’espace et de temps est emporté dans la diastole.
Tout ceci avec toutes les précautions d’usage lorsqu’on parle de degré, d’antécédence ou de postériorité. De telles sortes que la diastole affective est proto-schématique – archi-schématique virtuelle – dans la constitution du soi, et la systole schématique est post-affective – posthumo-affective virtuelle – dans la schématisation. Ce qui permet de mieux comprendre la différence mais également l’étroite collaboration intrinsèque en coalescence entre le soi au sublime, celui qui est constitué en soi archaïque, et le soi emporté dans la diastole, celui qui fait du sens en tentant de dire autre chose que lui-même par le schématisme hors langage. Ainsi, la systole schématique l’est de la diastole schématique. Ce qui veut dire que cette systole n’inter-rompt pas le schématisme mais le réamorce dans la dynamique même de la diastole schématique en y opérant comme micro-systole, dont parle du reste Richir.
Tout le problème est d’arriver à penser phénoménologiquement une systole et une diastole. Ce qui n’est de toute évidence pas facile. Car si systole marque une contraction, une densification, un reploiement, et diastole une décontraction, une détente, un relâchement, il est nécessaire d’en penser la dynamique ‘spatiale et temporelle’ à l’occasion d’un type très singulier de motilité qui affecte une masse rythmique qui, si nous voulons approcher la mobilité phénoménologiquement, s’avère non spatiale et non temporelle mais néanmoins et pourtant en mouvement.
Les questions sont en quelque sorte et autrement dit celles-ci : la systole est-elle exclusivement affective et a-schématique ? La diastole est-elle exclusivement schématique et non-affective ? Il faut donc penser plus précisément la diastole (affective) propre à la systole qui reste affective en inter-rompant le schématisme mais empreinte et emporte virtuellement la trace de ce schématisme en sa dynamique systolique. De même, la systole (schématique) propre à la diastole qui reste schématique mais garde virtuellement la trace de cette affectivité en sa dynamique schématique.
Les secondes questions portent sur la signification de cette masse rythmique ou de ce rythme volumique singulier baptisé ogkorythme dans nos travaux, donc comme espace-temps non spatial et non temporel, sans matière, néanmoins en mouvement tout en battement, pulsion, pulsatilité et versatilité ; bref, mouvement en cont(r)actibilité compris comme immatérialité cependant leiblich. C’est toujours la problématique de la mobilité phénoménologique et celle du saut dans la Sache. La cont(r)actibilité l’est du phénomène comme rien que phénomène chez Richir. C’est la modulation de la masse rythmique spécifique du phénomène réduit à son intrinsèque rien phénoménologique, résultat conjugué, par le saut en la Sache indéterminée, de l’épochè phénoménologique hyperbolique et de la réduction architectonique. Ce rien l’est d’espace et de temps, et même en et par écart comme rien d’espace et de temps. On peut dire que le contact du phénomène avec lui-même est un contact en et par écart comme rien d’espace et de temps.
L’ogkorythme est né de cette considération prise comme paradigmatique de toutes les notions, pôles, niveaux, résidus, sites ou topoï architectoniques. Cette immatérialité, cette concrétion immatérielle, est pourtant en mouvement, en mouvement sans corps mobile ni trajectoire. Qu’il s’agisse, et entre autres, pour les notions, de l’exaiphnès comme revirement instantané, de double mouvement de la phénoménalisation ou, entre autres, de la distorsion originaire du phénomène. Pour les pôles architectoniques de même. L’affectivité et le schématisme sont ogkorythmiques puisqu’ils sont pulsés l’un comme l’autre par des battements ou pulsations de masse non spatiale et non temporelle mais pourtant et néanmoins en mouvement susceptible pour l’affectivité de se contracter/décontracter au sublime et pour le schématisme de se mouvoir en sens en se décontractant/contractant, le deux sous la transcendance absolue extra-schématique en fuite infinie comme pôle permettant de garantir à l’ogkorythme ainsi ployé/déployé l’impossibilité de lui donner des paramètres que ces derniers soient eidétiques, ontologiques, théologiques, matériels, corporels, spirituels ou autres du reste.
L’ogkorythme, comme accrétion incorporelle et immatérielle, ne l’est donc pas de quelque chose, ni en quelque chose, ni en quoi que ce soit, comme du reste le phénomène chez Richir. De telle sorte qu’on peut dire d’un certaine façon de l’ogkorythme qu’il est l’ossature rythmique non spatiale et non temporelle du phénomène Mais, la conséquence de cette sorte d’immatière pulsatile illocalisable et sans temps est que, par là, de la Leiblichkeit est possible foncièrement, car cette masse rythmique sans masse ni rythme autre que aspatiale et atemporelle est véritablement la condition transcendantale de possibilité de garder la corporéité vivante, mobile, Sache, et non, résultat de la précipitation somme toute spatio-temporelle, par exemple par transposition architectonique chez Richir, de l’ogkorythme en corps, Körper, voire cadavre inerte, ou en fixation idéale, imaginaire ou encore, et entre autres, théologique.
Cela mène effectivement à la réflexion de ce que la phénoménologie a affaire à un matériau sans matière, nouvel objet singulier de ses recherches qui ne laissent pas, à ce titre, non plus les méditations théologiques et métaphysiques hors du champ phénoménologique. Ainsi, nous parlons d’une nano-métaphysique phénoménologique fondamentale – et de contre-mesure nano-métaphysique – lorsqu’il s’agit de traiter les questions les plus fondamentales comme le monde (nature, phusis et cosmos), l’homme (soi et sens) et dieu, dans une nouvelle métaphysique (mutatis mutandis metaphysica specialis), où ces interrogations deviennent transcendances absolue, radicale physico-cosmique et non adhérence (non coïncidence à soi) humaine, dont l’ogkorythme constitue le noyau (mutatis mutandis metaphysica generalis) comme marque d’une intelligibilité renouvelée des problématiques foncièrement phénoménologiques.
Qui plus est et par là, l’ogkorythme refonde à sa manière propre une esthétique transcendantale, une aesthetica generalis, qui saute par-dessus l’analytique pour phagocyter la dialectique au cœur de sa dynamique esthétique relevant à la fois, par une autre version du jugement esthétique réfléchissant sans concept, du beau et du sublime mais également des trois axes kantiens de la dialectique. Aussi, la contre-épochè post-hyperbolique permet de garder et de garantir le maintien de la dynamique ogkorythmique lorsque l’on ‘revient’ de la réduction, fût-elle architectonique comme chez Richir, afin de ‘construire’ la phénoménologie.
On peut en tirer que l’ogkorythme est un principe premier, ‘primultime’, ou un élément fondamental d’une philosophie première mais qui ne ressemble à rien qui se stabiliserait pour autant autour d’une entité de type ontologique, divin, voire transcendantal – si tant est que le transcendantal puisse justement se précipiter comme au sens chimique du terme ? Nous parlons à cet égard, et donc pour l’ogkorythme, même si c’est encore insuffisant dans l’expression, de moteur (motricité matricielle mobile) de la phénoménologie. Il n’est donc ni naturel ni intellectuel, ni corporel ni spirituel, ni eidétique ni idéal, ni imaginaire ni divin, ni ontologique ni théologique, mais il nous semble permettre une lecture neuve des dites négations considérées d’une certaine manière comme des ‘dégradations’, déclinaisons processives, ou plus précisément des fragments stabilisés ‘expulsés’ de cette masse rythmique ‘originaire’. Originaire ne voulant pas dire qu’il précède ni qu’il fonde mais qu’en vertu de sa définition, l’ogkorythme est, comme motrice-moteur-matrice, allumé et tourne ‘à la fois’ avant, pendant et après la constitution/construction des niveaux susmentionnés.
Le sens se faisant, le sens se schématisant au fil de son aventure est un exemple insigne de ce qui le pousse, le pulse et le rend vivant : c’est en son creux foncier une masse rythmique forcément non spatiale – sinon on pourrait situer le sens en un lieu – et non temporelle – sinon on pourrait également fixer un instant, un moment, un maintenant du sens. Situation et fixation, détermination et position qui empêcheraient la vie même du sens parti à la recherche de ce qu’il veut dire.
L’ogkorythme est donc au schématisme ce qui le fait vivre mais n’est pas tout le schématisme car ce dernier répond également à du hors langage et du langage, à des phantasiai-affections pures et perceptives. Par différence, l’affectivité, absolu dedans du soi archaïque, est ogkorythmique par son nœud matriciel a-spatial et a-temporel en systole, par hyper-densification, et en diastole, dans l’excès hyperbolique de l’ascension vers l’immense – excroissance en intensité d’affectivité – dans ce qui n’est pas ‘encore’ du schématique puisqu’il l’interrompt.
Même raisonnement pour la transcendance absolue, pur dehors, qui dans sa non humanité et son inconnaissabilité, son inaccessibilité et son abyssalité, son indicibilité et sa virtualité, sa non positionnalité et sa transitionnalité, son infigurabilité et son imprépensabilité, bouge, se déploie/reploie selon une ouverture infinie qui ne se clôt pas parce que n’ayant pas été fermée ou refermée ‘auparavant’. La fuite infinie extra-schématique de cette transcendance est ogkorythmique et tout en diastole. Cette transcendance ne peut d’ailleurs exercer ses effets de non adhérence qu’en raison de son ogkorythmie foncière qui noue absolu dedans et absolu dehors dans l’aventure du sens, selon une surface distordue entre le radical dedans et le radical dehors qui les fait s’entremêler sans solution de continuité. La surface n’a pas d’aire, ni recto ni verso, ni épaisseur, et la distorsion n’est pas repérable autrement que par son mouvement impossible mais bel et bien mobile, cont(r)actibilisant ogkorythmique (contraction qui met en contact et contact qui (se) contracte). Tout simplement, le soi emporté dans la diastole schématique ne fait du sens, au fur et à mesure, qu’en se moulant à cette motilité qui respire le volume en distorsion, plus justement dit que surface distordue, en cela volume pulsé sans temps ni espace ou pulsatilité de masse non spatio-temporelle.
L’ogkorythme n’est donc pas quelque chose ni en quelque chose sinon de la manière qui augure une nouvelle approche de ce qu’un élément peut être ou faire, participer ou animer les problèmes de la phénoménologie. L’ogkorythme, comme la pensée selon Husserl ou Richir, n’est pas quelque part, pas davantage dans notre tête que dans celle des autres ou en un autre lieu fût-il idéal ou de quelque nature que ce soit, pas plus dans ou sur la nature, autre part ou à un autre moment. A ce titre, l’ogkorythme est phantastique selon l’acception richirienne : insaisissable, infigurable, transitionnelle et virtuelle. Et pourtant, c’est notre effort de pensée, si une nature phantastique tisse l’ogkorythme, ce dernier n’est pas, à strictement parler, phantasia(i) pure(s) ou perceptive(s). Dire qu’elle ou il est proto-phantastique n’est pas ‘tout juste’ mais faute de mieux dit quelque chose de ce dont il s’agit. Surtout si ce proto-phantastique opère dans la construction d’une phénoménologie par le phénoménologue. La phénoménologisation ne peut elle-même que se mouvoir d’une motilité ogkorythmique, garante esthétique de ses inventions, de sa fécondité et de sa beauté, et de son avenir toujours possible car à jamais ouvert sur l’impossibilité d’en finir.
Il n’y a donc rien de plus concret que l’ogkorythme puisqu’agissant – à sa manière – à tous les registres phénoménologiques, de l’affectivité (soi archaïque) aux schématismes (sens en amorce), ce y compris, au ‘bout’ du chôrismos, lorsqu’il s’agit de penser le résidu phénoménologique de dieu dans une transcendance absolue extra-schématique en fuite infinie.
Peut-être que parler d’ogkorythme permet aussi de ne plus mettre trop fortement l’accent ni sur l’apparaître du phénomène, fût-il aussi disparaître, par trop souvent individué, ni sur le logos de la phénoménologie, qui dirait tout de go ce que serait le phénomène, pour s’enraciner également dans une dimension plus concrète, plus proche de la Sache, ainsi ‘plus loin’ que le phénomène et le logos proprement dit. L’illocalisation de l’ogkorythme est probablement cosmique et énigmatique, en tant que concrétion immatérielle et incorporelle, parce qu’au croisement chiasmatique du vrai soi et du vrai monde qui ne sont ni l’un ni l’autre quelque part ni en un temps quelconque.
La ‘vie’ de l’éternité, d’un ‘autre monde’ plus fort que celui qui nous accable et dont nous mourrons et mourons, est très probablement le prix de cette tentative, pour peu que nous soyons sensibles à cette mobilité tout en cont(r)actibilité, mais sans corps mobile, de l’architectonique phénoménologique.
Ogkorythme et/en phénoménologie
Robert Alexander
Première approche du paysage philosophique
Ogkorythme (ogkos rutmos), inconcevabilité pure : masse rythmique singulièrement absence de volume et de rythme, immatériel espace/temps sans espace/temps cependant leiblich mouvement car inconditionnel de notre incarnation, éternité non spatio-temporelle sans dieu ni néant d’office. Oxymore intenable mais en tension dynamique. Impossibilité constitutive, irreprésentabilité foncière et incompréhensibilité irréductible nécessaires à l’humain par là tout en mobilité insigne. Impensabilité fondamentale de l’ ‘esprit’ occupé à se découvrir pour cela tel. Ogkorythme affecte radicalement en indéfinition. Inimaginable. Motricité pourtant incontournable par pulsation insoutenable. Contradictionnelle contractibilité en ‘aderrance’ sans solution de continuité entre la contraction et la décontraction. Matrice de philosophie, ogkorythme de phénomènes. Ogkorythme de phénoménologie, de la phénoménologie tout aussi bien comme philosophie ‘primultime’, première et dernière.
Problématisation
Ogkorythme et/en phénoménologie donc, car moteur invisible de phénoménologie considérée comme philosophie en route, parmi d’autres. L’ogkorythme que nous avons mis au jour, comme élément philosophique inédit, nous a permis de mieux comprendre, en profondeur, les difficultés les plus fondamentales auxquelles est confrontée la phénoménologie richirienne en refondation[1], et surtout de saisir comment les acquis de cette dernière sont parcourus et tissés en eux et entre eux par un mi-lieu spécifique dont la nature a été l’objet de nos recherches. Cette notion d’ogkorythme, extrêmement puissante philosophiquement, nous a amené à proposer une lecture transversale de l’œuvre de Richir, depuis ses premiers écrits en 1968 jusqu’à ceux des années 2000, permettant une compréhensibilité de ses paramètres phénoménologiques cardinaux. Ainsi, les concepts cruciaux répondent et s’avèrent sensibles à nos investigations lorsque nous y faisons jouer toute la richesse de l’ogkorythme.
De plus, nous avons déjà montré ailleurs que ce commun dénominateur philosophique est également à l’œuvre chez Henri Maldiney, en particulier avec la question centrale du rythme, et chez Max Loreau avec celle du volume originaire. C’est ce que nous développons dans une étude[2] qui y est consacrée, publiée en anglais, mais que nous reprenons ici en l’étayant davantage. Et, avec la thèse que nous soutenons maintenant dans cette contribution, thèse dont nous voulons poursuivre le traitement dans ces pages, sans toutefois être exhaustif – le peut-on du reste ? – mais seulement introductif, il appert que l’essentiel de la phénoménologie française contemporaine, depuis Merleau-Ponty jusqu’à Richir et au-delà, peut également être lue à la lumière et au filtre de la dynamique ogkorythmique comme un fil rouge singulièrement pertinent afin de débusquer les spécificités et les enjeux essentiels de ce courant majeur de la philosophie[3]. Il n’est donc pas étonnant que nous reprenions ici, en toile de fond et sous forme problématique récapitulative, l’essentiel de nos recherches dans une sorte de réarticulation la plus éclairante possible et, à la fois, c’est l’ambition, la plus juste eu égard à son importance que nous supposons dans l’intelligibilité philosophique actuelle.
Mais de quoi s’agit-il au juste ? Et que peut bien signifier un topos intellectuel susceptible d’un spectre tellement large. D’autant que si tel est le cas, nous aurions gagné quelque chose sur ce que veulent dire les mobiles axiaux de la dite phénoménologie, sur sa légitimité comme école de pensée cohérente malgré les différences apparentes, et sur sa fécondité comme philosophie capable de traiter de façon originale les sujets centraux que l’esprit humain a pour ambition d’étudier.
Qu’est-ce donc que l’ogkorythme ? Pourquoi un néologisme ? Est-il bien nécessaire ? D’où provient son incontournabilité ? N’y a-t-il pas dans l’immense trésor de la langue, et en particulier dans celui de la philosophie, un mot ou un syntagme susceptible de ramasser ce qui en l’occurrence joue dans ce mystérieux ogkorythme ? Comment dire que nous ne nous glosons pas d’un nouveau mot ni par cuistrerie, outrecuidance ou par jeu, ni pour faire joli ou pour se faire remarquer ? Ainsi, en revanche, une nécessité nous est apparue après de longues années de méditations et de travail en philosophie en général, et en régime phénoménologique en particulier. Il n’existe pas de mot, ni de concept du reste, tentant de pointer vers cette ‘zone’, ou ce ‘mi-lieu’, non délimitée s’entend, ‘au sein’ duquel l’esprit humain, le monde et ‘dieu’ circulent, passent, voyagent, se constituent et se déconstituent ; bref, une sorte bien singulière de mouvance, première et dernière, ‘primultime’ qui, comme le souligne Alexander Schnell, « dévoile une sorte de ‘pré-être’ qui ne saurait être décrit »[4] et ‘où’ sont adoubés l’espace et le temps lorsque ceux-ci ne revêtent pas encore ou plus les limites spatiales et temporelles qu’ils ne manquent d’acquérir ou de perdre sous la forme de déterminations et de paramètres. On doit à Alexander Schnell de comparer l’ogkorythme avec « cet ‘Urwesen’ dont parle Schelling », ou à ce « ‘meon’ auquel Fink » pense, ou encore à ce qu’il a, pour son propre compte, « appelé le ‘phénomène originaire’ ». L’ogkorythme serait alors, toujours à ses yeux, « une sorte de ‘substance spinoziste’ vivante, mais douée de ‘réflexibilité’ (Fichte) » ; bref, « un mouvant originaire et absolu du champ phénoménologique archaïque ». On ne peut que se féliciter de ces rapprochements qui tous dénotent ce que l’ogkorythme serait ou pourrait être afin d’en approcher la teneur de façon ‘pédagogique’, mais il faut que nous précisions davantage ce qu’il recouvre ‘exactement en lui-même’.
En effet, le premier élément significatif est de considérer que nous ne sommes pas devant une thématique d’espace-temps particulière joignant des paramètres spatiaux à ceux temporels qui donneraient ensemble un système de coordonnées dont on pourrait faire le tableau ou le graphe en abscisses et ordonnées, ces dernières aussi complexes qu’elles puissent être. Et que, pas davantage, cette structure permette d’asseoir le champ phénoménologique ou tout autre ontologie, ou philosophie, dont les principes trouveraient leur raison d’être dans un fondement stable et sûr. De telle sorte qu’il ne faut pas non plus penser que l’ogkorythme soit une substruction de l’esthétique kantienne c’est-à-dire un espace-temps de l’espace-temps comme forme pure a priori (de la sensibilité ou de l’affectivité), fût-elle originaire et susceptible d’accueillir les phénomènes. Ce serait là le rêve métaphysique d’un fondement ultime ou d’une fondation repérable, voire d’une chôra ontologique réceptacle des phénomènes. Rien de tel avec l’ogkorythme, même s’il est relié à des liens historiques et problématiques par des considérations d’ordre spatio-temporel et esthétique (beau et sublime). Esthétique justement que l’ogkorythme dimensionne dans ce que nous appelons une Aesthetica phénoménologique fondamentale à la fois generalis comme la metaphysica generalis dont elle ressort, cette dernière étant l’expression d’une métaphysique phénoménologique fondamentale ; et, à la fois, comme metaphysica specialis lorsque ogkorythme rime avec le traitement spécifique des questions relatives à l’homme (le soi), le monde (physico-cosmique) ou dieu (transcendance).
L’ogkorythme est un mi-lieu-masse-rythme philosophique ‘primultime’ – premier et dernier hors temps et hors espace constitués – dont rien de spatio-temporel n’est rattachable mais rien néanmoins en mouvance nécessaire à ce que de l’originaire ou du final puissent se (dé)voiler ou se (dé)construire. Il y va de ce que de l’architectonique de la pensée puisse arriver à se déployer sans pour autant ‘être’ basée sur un nouveau pré-être, phénomène originaire ou dernier. Bien différemment, l’ogkorythme n’a pas d’origine ni de limite mais permet que de la phénoménologie s’y pense (s’y réfléchisse, s’y réflexibilise) en faisant de l’anarchique et de l’atéléologique son berceau. C’est pourquoi il s’agit d’une métaphysique ogkorythmique qui arrête la régression-progression en l’originaire ou la progression-régression en l’infini en en permettant cependant la survenue sans en être ni la condition ni la conséquence. Il s’agit donc d’un laboratoire transcendantal en construction du transcendantal dont sont à la fois issues les architectoniques phénoménologiques comme en leur bain primordial en lequel à la fois elles se lancent pour se régénérer en prégnante concrescence. Même la question de dieu permet d’être traitée à partir de la dynamique ogkorythmique comme question philosophique légitime en régime phénoménologique car elle s’y manifeste ou apparaît au même titre que les questions de l’homme, du monde ou du phénomène en sa singularité la plus fine. L’ogkorythme permet ainsi de ne pas limiter le champ d’investigation philosophique. Plus vieux et plus jeune que toute temporalité, plus loin et plus près que toute spatialité, l’ogkorythme s’insinue à même le phénomène comme ce qui sans y être en permet la phénoménalité en cela éclatée en une. Ce sans quoi, sans ce que, du phénomène se fait phénomène. Il y a fort à parier que l’ogkorythme vive à la périphérie non centrée du phénoménologique, à ses limites non spatiales et non temporelles justement.
Nous avons donc inventé, trouvé en même temps que construit, et dégagé de la philosophie de Marc Richir un élément fondamental de compréhensibilité de sa phénoménologie que nous avons nommé ogkorythme. Cet élément ogkorythmique fondamental est également pertinent par sa très grande densité problématique afin de mener à l’intelligibilité transversale de ce qu’il faut entendre comme le champ philosophique reporté à la phénoménologie française contemporaine.
Mais tout d’abord que doit-on retenir de la notion d’ogkorythme ? Ce mot est formé par le grec ‘ogkos’ qui veut dire volume, masse et par ‘ruthmos’ qui signifie rythme. Cela devient ogkorythme lorsque nous considérons de la masse et du rythme ensemble, en même temps, ne faisant plus qu’un. Ou plus précisément un en deux ou deux en un, dualité une ou unité duelle. Ce qui veut dire qu’il faut arriver à penser de la masse rythmique ‘et’ du rythme volumique, de concert. Sans pour autant considérer que la masse ait des limites spatiales ni qu’elle renferme quoi que ce soit, ni que le rythme ait des limites temporelles ni qu’il rythme quoi que ce soit non plus. Néanmoins cette masse est animée rythmiquement mais sans que ce rythme ne corresponde à quelques cadences ou tempo que ce soient et qui auraient des mesures. Bien davantage, il faut que du rythme soit pensé comme ayant en quelque manière sa propre masse qui elle-même (se) rythme. En régime phénoménologique transcendantal, il est également nécessaire d’envisager cet ogkorythme comme non physique, ne se rapportant pas à un corps, une chose ou un objet, donc comme incorporel et immatériel. La conséquence est la suivante : l’ogkorythme n’est pas rattachable à un temps ni à un espace mesurables, définissables selon des coordonnées repérables ou instituées. Ainsi l’ogkorythme doit être pensé comme masse rythmique ou pulsation volumique non spatiale et non temporelle mais, et c’est crucial, dont la dynamique est caractérisée par du mouvement, justement du mouvement pur, sans archè et sans télos, sans espace et sans temps déterminés ; bref, comme un « mouvement sans corps mobile ni trajectoire »[5] comme le souligne avec force Marc Richir dans sa phénoménologie. Une mouvance nécessairement en mouvement qui travaille aussi bien les concepts que la méthode phénoménologique dans une théorie élémentaire ogkorythmique fondamentale. Dans cette dernière, l’ogkorythme permet de comprendre les notions mises en place qui toutes sont pulsées et reliées par cette mobilité essentielle ; ce qui permet, en outre, de les réfléchir à travers leur flexibilité intrinsèque et de les fonder dans une dimension fondationnelle se faisant. Par exemple, notre existence, à son niveau le plus fondamental, à son registre le plus archaïque, peut être considérée comme un mouvement pur d’exister qui ne se laisse par réifier ou définir par autre chose que ce mouvement lui-même. Ne reste donc que sa flexibilité pure qui mène en elle à ce qui en constitue sa motricité transcendantale et à la déclinaison des mouvements purs associés à cette flexibilité ; par exemple, la conductibilité et la convertibilité ogkorythmiques. C’est de la même manière que sont traités les concepts les plus fondamentaux de la philosophie en général et de la phénoménologie en particulier, dont par exemple, l’affectivité, le langage, l’imagination ou l’altérité. Le phénomène au sens phénoménologique ainsi compris récuse toute temporalité et toute spatialité chronologique ou géométrique, comme du reste toute antériorité et toute causalité. Comme l’écrit Henri Maldiney, le phénomène, l’apparaître « se découvre à partir de rien »[6]. C’est ce rien qui est ogkorythmique car ne procédant pas d’un en deçà ni d’un au-delà, qu’il s’agisse d’une antécédence ou d’une subséquence. Ce rien n’a ni dedans ni dehors tout aussi bien. Ou plus précisément, s’il y a temporellisation et espaciation, comme nous le suggérons, par l’ogkorythme, c’est hors espace-temps. C’est toute la difficulté, et en même temps toute la richesse du mouvement ainsi initié car non redevable à des points, stations, arrêts ou bifurcations, trajectoires ou mobiles localisables, courbes ou volumes, avant ou après, intérieur ou extérieur. Ce qui ne veut pas dire que la masse ogkorythmique ne soit pas massive ; sa massivité n’étant pas relative à une masse spatiale. Au risque de multiplier les oxymores, il s’agit alors d’une masse sans masse. De la même façon, cela ne veut pas dire non plus que le rythme ogkorythmique ne soit pas rythmique ; sa rythmicité n’étant pas imputable à un rythme temporel ; bref, un rythme sans rythme.
Dans la phénoménologie d’Henry Maldiney et celle de Max Loreau[7], l’ogkorythme permet de comprendre de façon insigne et paradigmatique comment du rythme chez le premier puisse se comprendre comme rythme non temporel et non spatial, tout comme chez le second du volume comme volume non spatial et non temporel. C’est toute la difficulté d’arriver à penser que la phénoménalité du phénomène a affaire à cet oxymore qui consiste à appréhender un espace-temps justement sans espace-temps, en cela oxymore non rhétorique et donc profondément problème phénoménologique. Car de cette tension naît une dynamique tout à fait singulière qui vient animer par ses mouvements non spatiaux et non temporels le cœur même de la phénoménologie. Ainsi, mutatis mutandis, c’est de cette manière également ogkorythmique qu’est conçue la question de Dieu pour Jean-Luc Marion, exemple crucial s’il en est, « question de Dieu » qui « survit à l’impossibilité de Dieu »[8] et qu’il entend « par définition d’abord » comme « l’éternel, ce qui ne finit jamais de durer, parce qu’il ne commence jamais non plus à durer. J’y entends aussi par définition », poursuit-il, « le non-spatial : ce qui ne se situe nulle part, n’occupe aucune étendue, n’admet aucune borne (ce dont le centre ne se trouve pas moins nulle part que la circonférence), ne tombe sous aucune mesure (l’immense, l’incommensurable), donc ne se divise pas, ni ne se multiplie »[9]. Question de Dieu qui pourtant entraîne toute la dynamique phénoménologique dans l’impossibilité et l’incompréhensibilité foncières, mais donc nécessaires, des phénomènes dits pour cela saturés. Cette question de Dieu manifeste au plus haut point cette dimension d’ogkorythmie sans pour autant relever de la théologie proprement dite.
Voyons maintenant comment cette pulsion ou cette pulsation ogkorythmique, que nous allons détailler, est à l’œuvre chez Henri Maldiney lorsque celui-ci envisage de penser, de façon la plus phénoménologique, notre existence et l’œuvre d’art à partir de la notion de rythme. « Exister », écrit-il, « au sens non trivial, c’est avoir sa tenue hors soi, extatiquement, sans avoir eu à sortir d’une situation préalable de pure immanence »[10]. Il ajoute immédiatement : « cette dimension extatique est celle, pareillement, de l’œuvre d’art : elle ex-iste. Elle a sa tenue hors … qu’elle ne tient que de soi »[11]. « Exister : se tenir hors, hors de cette stase où dehors et dedans sont indiscernables »[12]. On voit déjà toute l’impossibilité physique de cette problématique. Car comment avoir sa tenue hors de soi sans qu’il y ait eu une tenue en soi antécédente; et, de plus, comment comprendre que cette extase en quelque sorte originaire ne tienne justement que de soi, de soi-même ? Et qu’elle initie un mouvement de soi et du soi en question ? Que, qui plus est, le dedans et le dehors soient les mêmes ? Nous pensons qu’il s’agit déjà là d’une déclinaison ogkorythmique qui manifeste la conductibilité d’un mouvement non spatial et non temporel qui ne commence ni ne finit et se convertit en lui-même, convertissant le dedans en dehors et inversement le dehors en dedans. Conductibilité pure puisque la diastole en extase de l’ex-sistence se meut par un mouvement proprement infini de sortie vers un dehors qu’il est nécessaire de penser comme non spatial. Tout comme, pareillement et corrélativement, cette pulsion ouvrante ne peut provenir, tout aussi nécessairement, que d’un dedans lui-même non spatial. Complémentairement, il faut penser qu’à cette conductibilité pure corresponde, par convertibilité ogkorythmique, une résistivité pure. C’est celle que nous devons voir à l’œuvre dès que de la conductibilité ogkorythmique pulse un mouvement dont la vie est de se contrarier lui-même en résistant de manière non physique à sa conductibilité.
Ce qui veut dire que pour Henri Maldiney l’existence et l’œuvre d’art partagent cette particularité tout à fait essentielle de n’être rien d’autre que ce que nous avançons sous la forme de déclinaisons ogkorythmiques, donc de rythmes non spatiaux et non temporels néanmoins en mouvement dont l’ogkorythmique tente d’approcher les subtiles transformations. Une des conséquences les plus importantes est celle que Marcel Granet rapporte et qu’Henri Maldiney reprend : « ce ne sont pas les choses qui changent. C’est l’Espace-Temps »[13]. Cette conséquence débouche sur la définition du rythme maldineyen : le rythme est « une transformation de l’espace-temps en … lui-même »[14], « cet auto-mouvement de l’espace-temps en lui-même – qui est le rythme »[15]. Plus précisément, en lien profond avec notre existence, l’œuvre d’art « procède d’articulations rythmiques qui informent, en dehors de toute conscience intentionnelle, l’espace-temps de la présence que nous sommes »[16]. Présence qui est définie comme « être présent (prae – sens), c’est être à l’avant de soi »[17]. A l’avant de soi sans avoir été en arrière de soi et sans que cet avant de soi ne se situe quelque part de manière spatiale ou à un instant donné de façon temporelle. Cet écart foncier entre soi et soi, le soi en arrière et le soi en avant, n’est pas non plus spatio-temporel. Il se module en écart et laps ogkorythmiques qui ne sont pas redevables d’une quelconque spatio-temporalité mais sont pourtant espaciants et temporellisants par leur mouvement originaire où, dans l’existence comme dans l’œuvre d’art, l’espace (s’) espacie et le temps (se) temporellise en eux-mêmes. Ce qui veut dire que l’ogkorythmique tout comme le rythme lui-même « ne s’explique pas dans un espace déjà là. Il implique un espace qui n’a de dimension que ce rythme lui-même »[18], « là où les termes de distance et d’espace distancié ne sont plus pertinents »[19]. Ou alors peut-on parler de « distance phénoménologique » comme le fait Michel Henry en parlant du « concept de distance phénoménologique » qui « n’est point lié à l’espace, et c’est en cela qu’il diffère fondamentalement de notre concept ordinaire de distance », avec « l’extension phénoménologique originaire et non spatiale de ce champ pur »[20].
Que « l’espace s’espacie »[21], qu’un « espace en lui-même s’espaciant »[22] se meuve, qu’un « rythme exige des tensions »[23] « dans la genèse duquel toutes les tensions conspirent »[24], voilà qui définit « la simultanéité en profondeur » de l’ogkorythme qui « ignore intervalles et distances »[25] comme est ignoré tout écart de temps. « Espace, temps », Henry Maldiney ajoute « parole » à propos de la poésie d’André du Bouchet dans Art et existence, « en eux la présence a lieu dans une contradiction essentielle, constituant son essence : se tenir à l’avant de soi … en soi plus avant ». Et il précise, ce qui est crucial : « Ici nulle distance, ni non plus distance nulle. Distance et sans distance sont de l’ordre de l’objet. Etre présent c’est être auprès de soi de l’autre côté de soi, dans une proximité inapprochable »[26]. « Loin, en avant, par-delà, auprès, etc… sont indivisiblement unis dans l’articulation d’une même tension spatio-temporelle, qui caractérise l’être à l’avant de soi : la présence (prae : datif de direction de per et sens : participe du verbe esti, être). C’est la structure dimensionnelle de la présence d’avoir à se rejoindre, elle et son monde – comme un navire, à l’impossible, sa proue »[27]. L’écart de cette impossibilité de la présence à se rejoindre est non spatial et non temporel. C’est la condition du mouvement de l’existence et de l’œuvre d’art d’être à l’avant de soi en soi plus avant. Cette tenue intenable est la tension même de l’ogkorythme entre le jeu, en sa dynamique, de l’absence d’espace et de temps et de sa mobilité spécifique espaciante et temporellisante. L’extase originaire d’être à l’avant de soi est une tension ouvrante qui n’a jamais été préalablement fermée et qui ne se refermera pas postérieurement. Même si doit être en même temps et corrélativement pensé que cette diastole infinie est également travaillée intrinsèquement par une systole elle-même infinie d’être en soi plus avant, tension fermante d’une instase ou enstase originaire qui n’a de la même manière jamais été ouverte antérieurement et ne se rouvrira pas par après. Il ne faut pas pour autant croire que le double mouvement systo-diastolique s’annule, bien au contraire. Le penser serait imaginer que leur trajet serait réciproque et que la tension ouvrante pourrait se refermer sans reste par la tension fermante et réciproquement, comme si la systole n’était qu’une diastole en train de se refermer et la diastole une systole en train de s’ouvrir. Ce n’est pas le cas. Car la systole et la diastole, comme la tension ouvrante et la tension fermante, l’extase et l’instase ou l’enstase, sont originaires. Ce qui veut dire très précisément qu’elles n’ont pas de point de départ ni de point d’arrivée, pas de point de rebroussement non plus parce qu’elles ne sont pas constituées par des points ou des instants, intervalles ou distances entre ces points qui permettraient d’inverser le mouvement dans un sens ou dans un autre. Et pourtant elles se convertissent les unes dans les autres selon une conductibilité qui les pousse et les pulse sans les déterminer par un trajet ni comme si elles étaient le support d’objets mobiles qui se déplaceraient sur ce trajet. C’est ainsi que le « en nous plus avant »[28] maldineyen doit être compris, le se tenir à l’avant de soi en soi plus avant est ogkorythmique. Cela explique que le mouvement de l’existence, le rythme, comme celui de l’œuvre d’art en son rythme, est bel et bien mobilité, et même mobilité essentielle et irréductible, mais qui n’est aucunement redevable à une quelconque spatio-temporalité déterminée, ce que Henry Maldiney appelle « un espace et un temps d’univers »[29]. Inversement, l’ogkorythmique caractérise les tensions pures qui se manifestent au cœur de ces mouvements. Ainsi la conductibilité ogkorythmique permet de penser, sans contradiction, que l’extase diastolique est contrariée en sa surrection par sa propre résistance qui n’est rien d’autre que l’instase ou l’enstase systolique dont la tension ouvrante de la première et la tension fermante de la seconde ne sont pareillement que l’envers et la face non spatiales qui s’entre-résistent sans que l’une ou l’autre ne parvienne à se défaire de l’autre. Chacune n’étant que l’autre en train de se faire elle-même. C’est cela exister à l’impossible : se mouvoir en avant de soi en soi plus avant, comme le « ferait un navire naviguant à l’impossible pour rejoindre sa proue »[30].
Chez Max Loreau, c’est la notion, centrale dans sa philosophie, de volume originaire qui relève, selon nous, de l’ogkorythme. Ce volume originaire provient de son analyse du mythe de la caverne de Platon. A ses yeux, la pensée commence phantastiquement « lorsqu’on force le prisonnier, l’homme, à se dresser et à tourner le cou en direction de la lumière (515c) »[31]. « Dans l’acte de se retourner surgit la différence de l’avant et de l’arrière ». « Or qu’est-ce que tenir ensemble avant et arrière en tant qu’un et à la fois différents, sinon affirmer le volume ? ».[32] De plus, dans ce rapport entre un avant et un arrière qui « est volume », « en tant qu’il enveloppe la vue en lui donnant naissance », ce volume « ne peut être qu’invisible »[33] en même temps qu’animé par un mouvement de retournement, de torsion ou de vrille. Bien davantage encore, c’est « le mouvement de genèse d’un volume invisible, fictif »[34], qui vient dans toute apparence mouvoir son « recommencement permanent » et qui lui confère sa dimension proprement phénoménologique originaire. Max Loreau vient à penser que ce qu’il a baptisé « Le Phénomène originaire est un envoi et un ordre de l’imagination »[35] mais de ce qu’il nomme « l’imagination originaire »[36] où « ce volume et ses châtoiements internes surgissant d’un seul coup ne sont pas une fabrication sortie de l’imagination, comme si celle-ci, préexistant, les tirait de son fonds. Ils sont l’imagination même – vide et urgente – advenant et s’instituant en récit de la naissance du monde et des choses »[37]. « Ainsi, le Phénomène provient de l’avènement de l’imagination originaire »[38], c’est le « phénomène originaire »[39]. Et « le récit de la formation du phénomène originaire est », pour Max Loreau, « la genèse du phénomène »[40]. Cette genèse s’ouvre « en sphère de la phénoménalité »[41] ou en « strophe de la phénoménalité »[42] c’est-à-dire en mouvement volumique originaire qui n’est pas de l’ordre d’un mouvement spatio-temporel définissable par quelques moyens que ce soient.
La genèse est donc ogkorythmique. Elle ignore le temps et l’espace, ou plus justement dit, elle est l’invisible mouvement impensable où l’espace et le temps vivent de leur absence en lui, ce qui en constitue la « fiction fondamentale » ou « la fiction pure »[43] écrit aussi Max Loreau. « En somme », ajoute-t-il fortement, ce qui synthétise toute sa démarche du reste, « il faut à la pensée une fiction qui, étrangère à l’idée ainsi qu’à l’intuition, puisse les construire et, de ce fait, donner le jour à la pensée »[44]. Il faut donner vie aux phénomènes en « les rouvrant perpétuellement à une dimension dérobée, secrète, insaisissable »[45] qui entraîne « l’incorporation de l’Arrière dans l’essence du phénomène »[46]. Cette genèse est ogkorythmique car elle « est dans l’impossibilité d’envisager sa fin : dans l’élan de sa manifestation, elle est sans fin. Sa construction ne peut d’avance faire place en soi à la simple pensée d’un terme »[47]. De plus, cette genèse est une fiction, « le mouvement d’une fiction » dans un « mouvement d’une autoconstruction unique »[48]. « Ce qui s’y façonne est le volume infini, à jamais invisible »[49] et « la part obscure intrinsèque à toute apparence » y « est originairement volume – appartenance au volume initial en perpétuel avènement »[50]. Cette « impossible genèse » doit être « entreprise », aux yeux de Max Loreau, « pour que se désunissent les figures usées du visible »[51] qui sont toutes à mettre au compte de la vision et du voir dont nos concepts les plus habituels sont issus. « La genèse amène, en effet, à remonter avant le voir ».[52] Et c’est « l’Arrière aveugle » « qui constitue la vue en un volume. Voir réclame le tout d’un volume qui, originairement, tient ensemble et rapporte l’un à l’autre un Devant et un Arrière invisible, qu’il fait surgir ensemble en tant que différents »[53]. Le plus important est « le mouvement de se faire phénomène »[54] et là se loge l’ogkorythme. Ainsi, « la genèse est ce qui permet d’incorporer d’emblée le phénomène du phénomène dans l’essence de tout phénomène »[55] c’est-à-dire « sa propre construction »[56] ou le « travail du paraître se construisant »[57]. Le volume originaire est volume qui se rythme de lui-même en se vrillant en lui-même plus avant pourrait-on dire dans le langage d’Henri Maldiney. Ici, chez Max Loreau, ce qui revient à la même ogkorythmie, c’est du volume qui est transformation de l’espace-temps en lui-même comme tenue en arrière de soi, hors soi plus (en) arrière. Ce qui veut dire que c’est le mouvement volumique de construction, par l’imagination originaire, de la genèse qui, par la prise en compte de l’arrière obscure, « de l’espace arrière, dorsal (l’Invisible) »[58], est pulsé hors de soi au sein du phénomène en son arrière ; genèse qui constitue le phénomène du phénomène. Par là, « toute apparence est originairement volume – appartenance au volume initial en perpétuel avènement du cœur duquel peut paraître et point ce qui est »[59].
Rythme maldineyen et volume loreautien se renvoient ainsi leur propre dynamique foncièrement ogkorythmique – comme du reste le phénomène richirien – où seul importe le mouvement impossible d’une tenue extatique et enstatique contemporaine, avant et après, devant et derrière, dehors et dedans, « où se produisent simultanément deux mouvements qui vont en sens contraires, se frottent et, dans ce mouvement, laissent paraître le mouvement »[60] d’une sorte d’objet total impossible, quasi impensable, incompréhensible et irreprésentable. « Double mouvement en sens inverse dont l’ensemble est un mouvement d’ouverture », « espèce de double déploiement concordant sortant du frottement d’une fente contre elle-même », voilà l’expression loreautienne la plus explicite de cette dynamique ogkorythmique, et dont Marc Richir a déployé toute l’étendue avec le double mouvement de la phénoménalisation des phénomènes comme rien que phénomène. C’est également le cas lorsque Max Loreau parle de « cette profondeur infinie », de « cette épaisseur » ou de « cette masse illimitée et invisible qui est un infini en profondeur »[61], cette « espèce de profondeur sans surface, ou une surface d’une profondeur infinie, indéfiniment surface, mais insaisissable », « espace illimité strictement mental car derrière, donc invisible et inimaginable sur le mode du visible » car « c’est du non-visible, du non-centré, de l’in-désignable…) »[62], seulement constructible par l’imagination originaire.
Ogkorythme où « l’absence d’espace s’épanouit depuis le trait comme une flambée d’inexistence ou comme un éclaboussement d’espace absent (suspendu, réservé) ou comme l’éblouissement d’une grande flamme de néant »[63]. Le mouvement rythmique d’épanouissement et de rétrécissement de cette absence d’espace dans le volume loreautien, tout comme le mouvement volumique de croissance et de décroissance de l’absence de temps dans le rythme maldineyen, constituent un mouvement ogkorythmique dont la contraction et la dilatation doivent être pensées d’emblée ensemble dans ce que Max Loreau nomme l’« interminable genèse », le « commencement perpétuel perpétuellement en travail »[64] de « l’essence du phénomène »[65].
Toute la phénoménologie richirienne ne dit, dans le fond, rien d’autre mais avec ses propres modalités architectoniques. Merleau-Ponty avait, de son côté, déjà ouvert largement la voie de l’ogkorythme par « l’historicité primordiale » [66], notamment avec « un mouvement sans déplacement » que « la peinture s’est donné » « par vibration ou rayonnement » (77). Surtout que par là, « nous sommes en même temps partout » (83), « que l’espace n’a pas trois dimensions, ni plus ni moins » (48), et « qu’en un sens la première des peintures allait jusqu’au fond de l’avenir » (92).
Et ce n’est pas Michel Henry qui contredira cette dimension ogkorythmique au cœur même de la Vie et de la chair primordiale dans « du s’éprouver soi-même sans distance »[67]. Mais cela nous vous le réservons pour une prochaine contribution ogkorythmique, en elle plus avant …
[1] Pour une analyse détaillée de ce ‘concept’ d’ogkorythme à l’œuvre, avec ses déclinaisons, dans la phénoménologie richirienne tout entière, nous renvoyons le lecteur à notre ouvrage : Phénoménologie de l’espace-temps chez Marc Richir, Grenoble, Jérôme Millon, coll. Krisis, 2013, 387 p.
[2] Voir nos études consacrées à ce ‘concept’ chez Henri Maldiney et Max Loreau : « Ogkorhythm », Contemporary French Phenomenology, Continental Philosophy Review, Publischer : Springer, Volume 45, Issue 3 (2012), Page 403-410, DOI : 10.1007/s11007-012-9225-x (en anglais) ; et chez Richir : « De la cont(r)actibilité. Exercices d’agilité phénoménologique », Annales de phénoménologie, numéro 14, 2015, pp. 195-204.
[3] Sachant également que nous avons pu acquérir des éléments supplémentaires d’attestation de l’importance de l’ogkorythme, à la fois dans le champ psychanalytique, chez Lacan avec la question du réel, et à la fois dans l’aire poétique et littéraire, chez Paul Valéry avec la notion d’implexe, mais aussi, chez Guy van Kerckhoven dans sa phénoménologie de la rencontre. Voir « Lacan phénoménologue. Lacan le réel. Un n’espace/temps de l’âme-a-tiers », Eikasia, revistadefilosofia.com, numero 56, mai 2014, pp. 217-240, eikasia@eikasia.es ISSN 1885-5679 ; « Phénoménologie de l’implexe valéryen », Annales de Phénoménologie, numéro 12, 2013, pp. 59-73 ; et Guy van Kerckhoven, Le présent de la rencontre – Essais phénoménologiques, Paris, Hermann, Le Bel Aujourd’hui, 2014, avec notre préface intitulée : « Ogkorythme de la rencontre kerckhovenienne », pp. 7-19.
[4] Alexander Schnell, Préface à notre ouvrage déjà cité plus haut, p. 22.
[5] Marc Richir, Fragments phénoménologiques sur le langage, Grenoble, Millon, coll. Krisis, 2008, p. 10.
[6] Henri Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, Seyssel, éd. Comp’act, 1993, p. 261. Cité par Eliane Escoubas dans Introduction à la phénoménologie contemporaine, Paris, Ellipses edition, 2006, p. 71.
[7] Nous pensons que Max Loreau développe une phénoménologie, quoi qu’il en dise lui-même et quoiqu’il veuille dans son souhait dépasser la phénoménologie dans une phénoménogenèse qui puisse penser la naissance du phénomène, ce qu’il nomme dans Genèses « l’Odyssée du phénomène naissant » (p. 242), avant qu’il ne soit l’objet d’une phénoménologie. Ce Max Loreau phénoménologue contrarié fera l’objet d’une prochaine publication.
[8] Jean-Luc Marion, Certitudes négatives, Paris, Grasset, 2010, p. 99.
[9] Ibid, p. 89.
[10] Henri Maldiney, Art et existence, Paris, Klincksiek, 1985, p. 7.
[11] Ibid, p. 7.
[12] Henri Maldiney, ouvrir le rien – l’art nu, La Versanne, encre marine, 2000, p. 298.
[13] Art et existence, p. 183 et ouvrir le rien – l’art nu, p. 408.
[14] Art et existence, p. 183.
[15] Ibid, p. 191.
[16] Ibid, p. 211.
[17] Ibid, p. 7.
[18] ouvrir le rien – l’art nu, p. 302.
[19] Ibid, p. 314.
[20] Michel Henry, L’essence de la manifestation, Paris, PUF, 1963, p. 76.
[21] Ibid, p. 316 et p. 345.
[22] Ibid, p. 365.
[23] Ibid, p. 346.
[24] Ibid, p. 347.
[25] Ibid, p. 347.
[26] Art et existence, p. 222.
[27] Ibid, p. 221.
[28] Ibid, p. 212.
[29] Ibid, p. 206.
[30] Ibid, p. 7.
[31] Max Loreau, « Du volume originaire (Vers la question centrale de la philosophie) », Le temps de la réflexion 1984 V, Paris, Gallimard, 1984, p. 305.
[32] Ibid, p. 306.
[33] Max Loreau, La genèse du phénomène, Paris, Minuit, 1989, p. 518.
[34] Ibid, p. 518.
[35] Ibid, p. 523.
[36] Ibid, p. 480.
[37] Ibid, p. 528.
[38] Ibid, p. 481.
[39] Ibid, p. 482.
[40] Ibid, p. 527.
[41] Ibid, p. 528.
[42] « Du volume originaire », p. 318 et La genèse de phénomène, p. 528.
[43] Ibid, p. 319.
[44] Ibid, p. 319.
[45] La genèse du phénomène, p. 519.
[46] Ibid, p. 524.
[47] Ibid, p. 525.
[48] Ibid, p. 527.
[49] Ibid, p. 528.
[50] Ibid, p. 529.
[51] Ibid, p. 529.
[52] Ibid, p. 457.
[53] Ibid, p. 462.
[54] Ibid, p. 467.
[55] Ibid, p. 468.
[56] Ibid, p. 469.
[57] Ibid, p. 470.
[58] Max Loreau, Genèses, Paris, Galilée, 2001, p. 203.
[59] La genèse du phénomène, p. 529.
[60] Genèses, p. 198.
[61] Ibid, p. 166.
[62] Ibid, p. 161.
[63] Ibid, p. 91.
[64] La genèse du phénomène, p. 528.
[65] Ibid, p. 524.
[66] Merleau-Ponty, l’Oeil et l’Esprit, Paris, Gallimard, 1964, p. 13.
[67] Michel Henry, Incarnation, Introduction, p.29.