Texte publié en ligne dans la Revue Eikasia, revistadefilosofia.com, numero 60, novembre 2014, pp. 125-136.

On sait désormais que la question du mouvement est essentielle à la phénoménologie, surtout si cette dernière se veut telle en faisant du phénomène comme rien que phénomène l’objet insigne de ses recherches. Ainsi, l’examen du phénomène au sens phénoménologique ne peut pas faire l’impasse sur le traitement des questions portant sur ce que traditionnellement on réfute aisément, en l’imputant à la phénoménologie, comme indigne de la philosophie, à savoir l’instable, le fuyant, le mouvant, la vibration, la pulsation ou encore, et parmi d’autres, le tremblement, le clignotement, le revirement et le rythme ; bref, ce que l’on peut réunir sous le vocable d’agilité, de motilité ou de mobilité phénoménologique, et que Marc Richir a baptisé « pur mouvement (sans ‘corps mobile’) »[1] « ni trajectoire »[2], ou encore « mathesis instable des instabilités »[3], où « la mobilité est pure »[4]. Mobilité phénoménologique que l’on trouve à l’œuvre chez lui aussi bien dans les mouvements du sens se faisant, dans ceux de l’âme, du soi, de l’affectivité, que dans ceux du schématisme, des phantasiai-affections ou encore, et pour ne citer que les principales notions, de la chôra ou de l’exaiphnès ; même l’architectonique, avec ses pôles et ses topoï, semble travaillée par cette dite mobilité toute spécifique. A tel point qu’il y a même ici, à y regarder de plus près dans notre titre et notre étude, une redondance sémantique car les deux mots, en définitive, mobilité et phénoménologique, s’équivalent, se répondent et s’interpénètrent.

Marc Richir a, en outre, dans son dernier ouvrage, publié tout récemment en 2014 chez Jérôme Millon, De la négativité en phénoménologie – en particulier dans son avant-propos – confirmé cette tendance lourde de la phénoménologie qu’il tente, et qui se trouve « profondément transformée » par là, à penser la dite mobilité. Celle qui, pour le dire en un mot, n’est plus redevable à un mouvement paramétrisé par un mobile passant par de l’espace et ses points, et par du temps et ses instants, mais bien plutôt à un mouvement qui, dans sa double dynamique de revirer justement sans corps mobile ni trajectoire, ne provient pas d’un endroit en direction d’un autre prévu ni ne se déporte là où on l’attendrait dans un espace homogène et isotrope, ni ne saute d’un instant à un autre sur une ligne continue et linéaire du temps. Comme l’eût dit Maldiney, cette mobilité n’a pas d’en-deçà d’où elle procède et, ajoute-t-on, pas d’au-delà vers où elle irait sinon juste le frottement même du mouvement d’avec lui-même, par là double mouvement revirant hyperbolique, ne débouchant lui non plus quelque part et à un moment donné, ou nulle part dans le néant, mais qui, néanmoins et pourtant, par sa dynamique incessante, ouvre, en amorce, le sens et son aventure, avec toute la constellation architectonique (affectivité, schématisme et transcendance) qui s’y meut tensivement mais sans que cette tensivité non plus, en cela non extensive ni co-extensive, ne relève de l’espace et du temps institués ou déterminés : « Ainsi l’hyperbole[5] est-elle pour nous un double-mouvement sans corps mobile à la fois pro- et rétrogrédient, incorporel, infigurable (tout comme l’étaient l’Un et l’être), indivisible, anarchique et atéléologique, infini (apeiron), mais jamais immobile, sinon dans le simulacre créé ex nihilo par le Malin Génie. C’est là que la phénoménologie se montrera profondément transformée : celle que nous tentons. A quoi il nous faut ajouter que l’autre élément en lequel s’inscrit ce double-mouvement est l’affectivité comme poussée aveugle à vivre ou du vivre (innocence du devenir), modulée par le double mouvement comme schématisme »[6]. Double mobilité qui n’est donc ni matérielle ni spirituelle ni intellectuelle, rien de positif et rien de négatif, non plus réelle, imaginaire ou idéale, mobilité pro- et rétrogrédiente à penser d’un seul coup, ce qui ne veut pas dire en même temps, puisque ce dernier n’y a plus cours. Toute la difficulté, assurément, car cette mobilité traverse, pulse et anime tous les registres, topoï et notions. Affectivité et schématismes sont ainsi convoqués mais également les transcendances dont les contractilités[7] systo-diastoliques ne cessent de se mouvoir de cette manière.

Fort de cela en aval, et lorsque l’on sait que l’aventure richirienne a commencé à la fin des années soixante, on ne peut que souligner l’importance, en amont, que cette interrogation sur la mobilité a suscitée dès le début, en revenant également, pour notre part ici dans cette étude, sur les fonds baptismaux, en traitant de l’influence qu’a pu exercer sur la genèse des fondements phénoménologiques de la pensée de Marc Richir les études minutieuses de Max Loreau – consacrées à la « Lecture de l’Introduction à la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel » et à la « Lecture de la ‘Certitude Sensible’, chapitre 1er de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel », publiés dans la revue Textures respectivement dans les numéros 5 de 1969 et 7-8 de 1970 – qui nous semblent particulièrement cruciales, car ce sont des textes qui apportent des éléments de compréhension utiles et, somme toute, éclairants pour toute la démarche de refondation de la phénoménologie qui sera entreprise par Marc Richir ; et qui mènera, on le sait aujourd’hui presque un demi-siècle plus tard, à changer les paramètres les plus fondamentaux de la phénoménologie en particulier mais également de la philosophie tout entière. Nouvelles coordonnées conjuguées de la phénoménologie et de la philosophie, s’il en est, qui doivent à une compréhension inédite de la mobilité toute sa profondeur et sa capacité à reprendre à nouveaux frais les questions les plus importantes de l’histoire de la pensée. Montrer que la lecture de Max Loreau des textes de Hegel ait participé, pour une part non négligeable, à la naissance de cette véritable révolution qui pré- et propulse d’agilité toute phantastique les concepts les plus fondamentaux de notre esprit est notre ambition dans cette contribution.

Qui plus est, si nous soutenons toujours aujourd’hui la thèse que nous avons développée dans notre ouvrage[8] consacré à la phénoménologie transcendantale de Marc Richir, nous pouvons et devons encore apporter de nouveaux éléments complémentaires à cette démonstration qui vise à déployer, entre autres, la dynamique intellectuelle sous-jacente à la mise en place de cette nouvelle phénoménologie redevable de cette mobilité pure qui, c’est le nerf de notre lecture, s’avère non spatiale et non temporelle mais néanmoins en mouvement. C’est bien évidemment toute la question de la mobilité intrinsèque du rythme non temporel conjugué à de la masse non spatiale qui vient se déployer au cœur même de toutes le notions convoquées justement à l’occasion de cette philosophie inédite. La question est redoutable puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de tenter de penser un écart (masse ou volume) non spatial et un laps (rythme ou pulsation) sans temps, mais que le dit ‘écart et laps’ bouge, vibre, pousse et pulse ; ce qui, il faut bien l’admettre, pose des problèmes quasi insolubles, oxymoriques, aux limites mêmes du pensable, mais problématique en cela redevable de la phénoménologie, décidément et à ce titre, non standard et nova methodo. On doit, d’ailleurs, à Marc Richir d’avoir ouvert, sans les refermer, les possibilités philosophiques de traiter ces problèmes et questions qui pourraient passer, sans aucune autre forme de procès, dans l’oubli si une phénoménologie réarticulée et réaménagée comme la sienne ne parvenait justement à en faire un champ tout à fait fondamental de recherches, et ce, à nos yeux, pour plusieurs générations.

Notons que, de son côté, Max Loreau poursuivra avec une toute aussi grande détermination la voie qui consiste à scruter le phénomène à la lisière d’une phénoménologie, en cela contrariée comme nous le disons, qui est également largement redevable de cette lecture pour le moins étonnante et singulière qu’il a faite de Hegel à la fin des années soixante[9], et où il est question de mouvement et de mobilité.

Il nous faut donc encore une fois revenir à Max Loreau[10]. D’autant plus que nous avons parcouru et analysé dans notre ouvrage les tout premiers écrits de Marc Richir, qui s’échelonnent entre 1968 et 1976, et que nous avons vu comment l’auteur se rapportait, notamment, à Hegel. Mais nous savions aussi déjà, par ailleurs, toute l’importance de Max Loreau chez Marc Richir, nous l’avons montré aussi, par exemple à travers leur commune lecture du travail pictural de Jean Dubuffet qui a été, pour le moins, féconde ; avec notamment, et entre autres, la découverte du logologique et de la distorsion.

Dans ce contexte, deux articles ont ainsi été écrits par Max Loreau sur Hegel, l’un publié en 1969, l’autre en 1970, qui nous semblent donc particulièrement intéressants, et sur lesquels nous voudrions nous arrêter, eu égard à la phénoménologie que Marc Richir initie et, plus précisément, aux éléments spatio-temporels spécifiques, liés à la mobilité, qui ont pu avoir été en partie impulsés par ces textes au sein même de la nouvelle phénoménologie richirienne en gestation.

Tout d’abord, il est important de savoir que ces deux articles sont – et comme précisé en note par l’éditeur, fort probablement Marc Richir lui-même qui était à l’époque l’Editeur responsable de la revue Textures – « le compte-rendu de séances de lecture consacrées à l’INTRODUCTION à la PHENOMENOLOGIE DE L’ESPRIT de Hegel, et données par Max Loreau à l’Université de Bruxelles au cours de l’année 1967-68 »[11] pour le premier article, et « le condensé de séances de lectures faites par Max Loreau à l’Université Libre de Bruxelles au cours de l’année 1968-69 (1er semestre) »[12] pour le second, consacré, cette fois, à la lecture du chapitre premier de la Ph G : la Certitude Sensible.

Il faut savoir aussi que Marc Richir obtient sa licence en philosophie, à l’ULB, en 1968[13], en défendant un mémoire de licence consacré à Husserl sous la direction de Max Loreau. Il est donc certain qu’il a assisté à ces séances de lecture sur Hegel données par Max Loreau. Et, donc, il est tout autant indéniable qu’il en a eu connaissance avant d’écrire lui-même ses premiers textes, qui datent de 1968 justement, ou pendant qu’il les écrivait ; et cela avant même que Max Loreau ne publie les siens dans la revue Textures. Rappelons que Max Loreau a été son professeur et qu’il y a tout lieu de croire que son influence, dont nous avons déjà sous-pesé toute l’ampleur dans nos travaux précédents, a largement débordé ses textes publiés, notamment par son enseignement d’esthétique et de philosophie moderne dont il avait la charge et auquel Marc Richir a bien évidemment assisté assidûment. Ce qui est également certain, c’est l’indication, unique du reste, que Marc Richir nous livre en note dans son étude de 1969, « Prolégomènes à une théorie de la lecture » (TL) – que nous avons examinée dans notre ouvrage – l’une des quatorze notes relatives à Max Loreau dans les textes de Marc Richir, et ce justement à propos du mouvement : « Nous pensons ici à la lecture … de Hegel (dans ce numéro) proposée par M. LOREAU »[14].

Tant et si bien que nous ne pouvons pas ne pas revenir sur un terrain, semble-t-il, aussi fertile que celui sur lequel Marc Richir a couru ses premières enjambées philosophiques et dans lequel il semble qu’il ait puisé des éléments intellectuels fondamentaux qui ne manqueront pas de concourir à la genèse de ses propres constructions phénoménologiques. Le plus étonnant est que ce soit de Hegel dont il soit question, en partie, dans cet humus philosophique, surtout lorsque l’on sait que Marc Richir ne le portera pas vraiment aux nues dans l’intime de sa propre phénoménologie qui verra le jour quelques années après ces séances de lecture. Propos qui sera à nuancer car Hegel reviendra plus tard, indexé positivement cette fois, dans l’itinéraire richirien toujours concernant la lancinante question du mouvement, même si encore une fois ce sera toujours avec la nuance, comme il l’écrit dans son récent ouvrage de 2014 et à propos du « concept de négativité », « qu’il a eu le tort, à nos yeux, d’avoir tenté de discipliner systématiquement en vue de la réflexivité de l’esprit absolu »[15].

Mais, de quoi est-il question dans ces articles de Max Loreau ? D’emblée, pour le premier d’entre eux, Max Loreau explique que le point de départ de « la Phénoménologie est donc le mouvement au fil duquel la conscience naturelle s’achemine vers la philosophie (le Savoir absolu, la Science) », « mouvement d’auto-critique du savoir naturel s’élevant au savoir absolu », et que, « définissant ainsi la Phénoménologie de l’Esprit, Hegel est nécessairement amené à préciser comment procède – selon quel rythme – ce mouvement de la conscience naturelle allant à son insu vers le Savoir absolu »[16] (Nous soulignons et soulignerons dans le texte de Max Loreau chaque fois que cela nous paraîtra nécessaire).

De cette manière, Max Loreau nous dit qu’une « lecture attentive du texte de Hegel » va montrer que « ce point de départ et cette définition de la Phénoménologie ouvrent d’étranges directions pour la pensée, des voies nouvelles qui sont restées cachées aux yeux de Hegel lui-même »[17]. Que donc, « cette Introduction contient en germe » des possibilités « bouleversantes pour la tradition métaphysique et pour le système hégélien lui-même ». Max Loreau ayant soin de préciser en note : « aux deux sens de ce terme : ces possibilités y sont enfouies, mais aussi contenues, retenues par un édifice qui empêche leur germination »[18].

Deux remarques s’imposent à nous immédiatement. La première concerne le contenu. C’est, semble-t-il, au cœur de la dynamique de ce mouvement de la conscience qui, on le devine, recèlera ces possibilités nouvelles à la fois enfouies, contenues et retenues, que Max Loreau va chercher des éléments susceptibles de venir bouleverser et la tradition et le système. Nous allons le voir. Et, c’est là l’important, ce ne sera pas sans lien avec l’efficace du mouvement mis en avant par Marc Richir dans tous ses textes depuis 1968[19]. La seconde concerne la forme. Nous avons vu également dans nos recherches que la façon dont Marc Richir se rapporte, par exemple, à Kant, à Fichte ou à Hegel est, in fine, la même. Ne s’agit-il pas de la même approche structurelle : l’auteur a ouvert des pistes dont il n’a pas pu, ou pas su, tirer toutes les conséquences ; celles-ci étant, bien évidemment, de nature à réaménager complètement l’édifice philosophique. Et, nous le savons, ce sera toujours avec la même idée que Marc Richir se rapportera aussi à Husserl. Ce dernier, dira-t-il de façon permanente, a ouvert des voies dont il n’a pas extrait lui-même toutes les possibilités, celles-là même qui permettront à notre phénoménologue de refonder la phénoménologie en profondeur. On pense en particulier à toute la problématique de la phantasia dans Phénoménologie en esquisses-Nouvelles fondations en 2000. Il n’est donc pas anodin de faire remarquer que cette méthodologie, héritée très probablement de la finesse des analyses, du reste fortement derridiennes dans le chef de Max Loreau lui-même[20], vienne se loger dans celle de Marc Richir.

Examinons ces deux aspects, matériel et formel, dans le texte de Max Loreau. Pour le premier aspect, c’est « la différence entre l’expérience naturelle » « et la conscience accomplie » qui crée « un manque », à savoir le « vide logé au cœur de la conscience (non encore parvenu au Savoir absolu) qui commande son mouvement »[21]. Et donc, Hegel, « en jouant à rejeter la métaphysique sans vraiment y croire », « a secrété sa propre impossibilité »[22], « a lancé à l’existence un élément capable de mettre en question la métaphysique en totalité : cet élément imprévu est la conscience comme pur devenir »[23]. En cela, il faut bien le comprendre, « la métaphysique n’a jamais pu comprendre le mouvement comme tel – sinon au titre d’auxiliaire permettant de s’élever d’une région de l’être à une autre supérieure qui existe hors de ce mouvement et sans lui »[24]. Et, précise Max Loreau, « qu’à présent, la métaphysique soit entraînée à devenir en elle-même le mouvement, qu’elle fasse l’expérience du mouvement en elle-même comme sa propre réalité, cela est éminemment déconcertant et bouleversant »[25].

« Ce jeu », « pour jouer »[26], ce « semblant », « le jeu de cette simulation » à faire comme si la conscience n’était pas toujours déjà finalisée par le Savoir absolu, « dépasse l’attente » et « fait entrer l’incertitude », « suspend la finalité »[27]. « Ce jeu fait éclater le monde de l’existence pleine, assurée, identique »[28]. Et, « ce ‘quelque chose’ est le mouvement qui conduit »[29] la conscience, d’étape en étape, vers le Savoir absolu. Ce qui est important c’est que « ce dessinement », ce « travail de filage – le mouvement – est expulsé de la trame du savoir »[30] au profit de l’identité de soi à soi de chaque forme, de chaque objet obtenu. Et, en même temps, « ce dessinementen tant que mouvement – est ce qui confère au déroulement des figures sa nécessité ». Max Loreau en infère que « la nécessité est un autre nom du dessinement », et que « la nécessité des figures est donc ce fil, ce dessinement lui-même, cet avancement »[31]. Or, cette « nécessité est la non-forme, qui dessine des formes sans s’identifier ni s’arrêter à aucune », « elle est le geste de tracer des formes nouvelles – qui est en elle-même geste de suppression de la forme ancienne »[32]. Cette négation à l’œuvre n’est pas « simple négation qui fait passer d’un objet à l’autre », elle « n’est pas encore une forme », « c’est un avancement », c’est un « mouvement » qui « est le dessinement de la ligature et de la forme à venir ; en tant que telle, elle est non-présente, informe », « impensable », « par essence inachevée »[33]. Ce qui surgit est donc « un devenir, un dessinement non finalisé », « un fuyant noyau problématique »[34] fait de la conscience, de la négation et de la nécessité qui « impliquent la mise en question du Savoir absolu, et portent en eux lointainement la condamnation et l’impossibilité de ce dernier »[35]. Max Loreau peut conclure provisoirement que la philosophie de Hegel contient « un élément insaississable », « comme contestant, cancérigène », « en tant que dessinement sans existence conceptuelle positive »[36]. Et surtout, ce qui est extrêmement important, « cet élément étranger » qui « est le mouvement, le traçage »[37] « comme dessinement ouvert par la non-forme de l’attention a-morphe »[38], Hegel le referme, l’oublie aussitôt pour le considérer « comme passage d’une forme à une autre, comme pont », en cela fidèle « à l’acquiescement à la tradition »[39] et à la « pensée métaphysique-théologique »[40] qui, en paraphrasant la Grande Logique, s’effondre ainsi dans un calme résultat et non dans l’inquiétude sans halte du devenir. Par là, le mouvement pourtant porteur de subversion pour tout le système « n’est que l’annonciateur d’une forme, il est donc toujours déjà une forme, il est finalisé », « à la façon d’un concept »[41], et non comme mouvement sans existence conceptuelle qui recèle pourtant cette part de négativité, fuyant nœud problématique, à l’œuvre in-finiment au cours du devenir.

Ceci a pour conséquence que Hegel, aux yeux de Max Loreau, « a choisi la philosophie traditionnelle contre le mouvement de pensée qu’il esquissait à partir de celle-ci »[42] et « alors même que son discours a fait surgir la possibilité d’une autre voie »[43]. Hegel a donc, en revanche, laissé apparaître « des ‘concepts’ énigmatiques », « des éléments nouveaux discordants »[44], un mouvement non-finalisé susceptible de mettre en doute « le parti du Savoir absolu ». Ce mouvement est tout aussi bien le mouvement de la conscience philosophique comme « non-regard », « non-forme », « dessinement » ; « elle est là comme impersonnelle et anonyme, dans une sorte d’anonymat qui est celui du parcours, qui regarde simplement le trajet en s’absentant. Elle s’efface sans disparaître, elle est là tout en n’étant pas présente »[45]. On peut dire alors que « le renversement hégélien réside en ceci que la différence dans la conscience est différence de la conscience et de la non-conscience (l’inattention informe qui libère le dessinement, l’absence en mouvement) » et ainsi « faire de la conscience cette différence même. Ce qui implique », ajoute Max Loreau, « l’abolition de la conscience comme identité à soi »[46].

Et, en effet, « la conscience philosophique n’est plus le fondement d’un fondé » mais « une structure ouvrante – la différence » qui « apporte une dimension d’in-finité, de mouvement en cours. La non-conscience constitue au fond l’entrée structurelle de l’incertitude dans la conscience, elle est l’indéterminé comme terme constitutif de la conscience »[47]. Ainsi, l’essence de la conscience « est la différence elle-même »[48], et lorsque « la conscience a réussi à devenir Savoir absolu, le Savoir absolu perd sa position de fondement, il est la conscience elle-même »[49]. « S’il en était ainsi, la fermeture du Savoir absolu – du fondement – serait l’ouverture même. Sur cette fermeture se fonderait une autre pensée qui serait traçage, dessinement, avancement, mouvement »[50]. Corrélativement, poursuit Max Loreau, « la pleine réalisation de la conscience, du Savoir absolu, de la métaphysique, serait la condition de l’avènement de la non-conscience, de la non-métaphysique, du non-Savoir absolu. En somme, la réalisation de la métaphysique serait le lieu de son renversement » et « c’est cette perspective intrigante qu’une interprétation radicale de l’Introduction laisse entrevoir »[51], interprétation phénoménologique pourrait-on dire déjà au sens richirien du terme qui laisse justement entrevoir ce qui pour Marc Richir deviendra le nœud problématique fondamental de ses recherches, à savoir la considération d’un pur mouvement sans concept ; bref, d’une mobilité sans mobile ni trajectoire animée d’un écart comme rien d’espace et de temps néanmoins tout en mouvement, susceptible de venir animer, par un contact lui aussi en et par écart non spatial et non temporel, toutes les notions, topoï et autres registres du champ phénoménologique par là refondé en architectonique, elle-même en mouvement, tissée des questions et problèmes déclinés en phénoménologie.

De plus, tout cela étant, pour Max Loreau chez Hegel, possible car « une différence fondamentale », « le mouvement même de l’être » où « la conscience est cette différence même », fait que « le fond de la conscience est » « toujours en retard »[52], « en retard et en avance ; l’action de ce qui est en retard est responsable du progrès de ce qui avance ; par un biais, ce qui suit est donc en avance sur ce qui avance »[53], tel est donc le mouvement de cette différence en quoi consiste la conscience. C’est là, ajoute Max Loreau, « à quoi mène une interprétation plus radicale du mouvement dialectique »[54] – en somme du mouvement de la négativité – où « la conscience porte la différence en elle-même » qui fait que « lorsque la conscience ‘rejoint’ l’objet, elle ne le rejoint pas, elle rejoint ce qui n’est plus et n’a d’ailleurs jamais été » ; « il y a donc une irréductible différence », un « mouvement de décalage » qui est « insaisissable », c’est « l’écart fuyant interne à la conscience ». Ce mouvement est « la représentation  de la présence-absence – de l’écart glissant et informe » qui « implique que la conscience modifie en permanence son objet »[55]. Mais, « en pensant cet objet impossible auquel il vient de donner vie et battement, en pensant cet écart fuyant comme s’il était pourtant donnée visible, Hegel est victime d’un héritage très lourd »[56] qui empêche la conscience de continuer « à porter en elle la non-coïncidence, l’élan de la différence »[57].

Max Loreau ajoute, en terminant, que « la pensée est d’abord et essentiellement dans la Différence, qui déploie simultanément ce qu’elle sépare. La pensée est la Différence, c’est-à-dire déploiement unique de ce qui est séparé, différencié. Elle est l’unité de ce processus : ce n’est que depuis une telle unité que peut être pensé le comblement de la différence »[58].

Pour le second aspect, formel, Max Loreau écrit que si c’est « la pensée métaphysique traditionnelle qui joue ici un tour à Hegel en parlant en lui en quelque sorte malgré lui », c’est « en dépit des voies déroutantes qu’il a ouvertes par ailleurs »[59] et que la « lecture ‘souterraine’ » que Max Loreau veut faire du texte hégélien « tente plutôt de faire aboutir toutes les intentions qui étaient en lui, qui ont surgi sur sa route et qu’il a décidé de ne pas faire aboutir – qu’il a refusées et refoulées – alors qu’il aurait pu s’en saisir »[60].  Hegel est confronté avec lui-même, et sa pensée est « le produit d’une série de choix, inaperçus de celui-là même qui, dans la mesure où elle en était le lieu, ne voit pas ce qu’elle secrète par ailleurs de neuf et de perturbant »[61]. On l’aura compris, Hegel pense, « sans qu’il en ait tiré jusqu’au bout les conséquences »[62], ce mouvement qu’il a lui-même injecté dans le processus de la conscience, voilà l’idée rectrice de Max Loreau. « Tous ses serpentements impliqués par le texte sont restés voilés aux yeux de Hegel »[63] ajoute-t-il. Et, « nous sommes de la sorte portés au-delà de ce que veut Hegel lui-même », à concevoir « le dessinement informe », comme « le dessinement au cours duquel la conscience trace sans le savoir » « le contenu de l’objet à venir »[64]. « Cette voie », conclut fortement Max Loreau, « Hegel l’a ouverte et l’appelle, même s’il l’a rejetée »[65].

Voilà pour le premier des deux articles consacrés à Hegel. Ce qui frappe, en premier lieu, c’est que tout tourne autour de la notion de mouvement qui est tout à la fois en cours, dessinement, traçage, devenir, avancement, serpentement, ouverture et fermeture, avance et retard, écart fuyant et glissant, vie et battement. Et, que ce mouvement non-finalisé, en cours, in-fini, indéterminé, incertain, informe, insaisissable – bref, ce mouvement sans existence conceptuelle positive – entraîne des conséquences bouleversantes tant pour l’édifice hégélien en particulier que pour la philosophie en général. Un peu comme si le ver était dans le fruit, l’étrangeté au cœur du Savoir absolu, l’élément insaisissable au centre du dispositif intellectuel et visant à le subvertir. Mais, de plus, de cette nouvelle voie, Hegel n’a pas tiré toutes les possibilités, tant et si bien qu’il a reconduit le système métaphysique duquel pourtant il avait la chance de sortir par lui-même.

Le second article ne dit pas autre chose à propos de la Certitude Sensible, à savoir le début du premier chapitre de la Ph G. « L’éventualité de cette voie », écrit Max Loreau, «  – ici suggérée – est bouleversante et ne laisse pas de soulever d’immenses questions que Hegel n’a ni relevées ni abordées, car affirmer que le langage est inscription contraint à sortir de la conception traditionnelle du logos comme concept instantané, comme idée illuminée et instantanément pourvue de tout son éclat illuminant ; bref, à remettre en question radicalement  du même coup le système de la pensée, la philosophie en totalité »[66]. Rien de moins. Et plus loin dans le texte : « un mouvement, il lui suffit d’un mouvement pour démentir que le rapport soit instantané, qu’il puisse l’être ; pour montrer aussi que le temps traverse la conscience de part en part »[67]. Mais Hegel « a préféré demeurer philosophe : la philosophie est la castration du geste. C’est par où Hegel est classique. Par contre, il cesse de l’être lorsque, jetant dans la philosophie des éléments inhabituels, il montre en creux que pour être telle qu’elle a toujours voulu être – savoir absolu – , elle a besoin de facteurs qui lui échappent et se tournent contre elle, sommant ainsi la philosophie même qu’il sauvegarde de se mettre radicalement en question »[68]. Tout se passe, en définitive, comme si Hegel n’arrivait pas à penser « un mouvement infini », « un mouvement qui s’échappe indéfiniment, une dérobade illimitée », un « mouvement en cours », « mouvement d’évanouissement »[69]. Tout cela alors même qu’ « il revient du moins à Hegel de l’avoir ouvert et d’avoir de la sorte définitivement ébranlé les tranquillités de cette philosophie classique qui s’était arrangée pour recouvrir entièrement le problème sur lequel elle vivait »[70].

Ainsi, fort de cela, et comme nous avons déjà largement donné la parole à Max Loreau, il faut bien comprendre que notre intention est de faciliter la compréhension de la phénoménologie et des textes de Marc Richir eux-mêmes eu égard à l’atmosphère philosophique dans laquelle ce dernier a baigné et qui, à n’en pas douter, est de nature, notamment à travers la lecture des propos loreautiens, à éclairer la manière dont il a pu en colorer ses propres découvertes et, en particulier, les linéaments de sa propre conception de la phénoménologie qui pointe son nez, nous l’avons vu, dès 1968. Notre thèse est que les avancées proprement richiriennes sont innervées, et ce dès avant 1968, tout à la fois par le contenu de la spécificité de la philosophie de Max Loreau avec son lexique et son analyse de la problématique du mouvement chez Hegel mais aussi chez Dubuffet, et tout à la fois par sa méthodologie toute tramée de mobilité qui consiste à débusquer les éléments qui bien qu’ils aient été avancés, par exemple chez Hegel, n’en ont pas pour autant été portés à la dignité de leur destin révolutionnaire. Ceci est capital pour comprendre comment Marc Richir lui-même se rapporte à Husserl. Nous voyons qu’il s’agit mutatis mutandis de la même approche qui consiste à reconnaître les ouvertures pratiquées par le père fondateur de la phénoménologie comme cruciales mais dont ce dernier n’aurait pas tiré toutes les conséquences mais que notre phénoménologue, à l’instar de Max Loreau pour Hegel, tireraient lui-même dans le souci d’asseoir la continuité du mouvement phénoménologique tout entier. Geste fort derridien, par ailleurs, car geste qui consiste à aller chercher chez l’autre philosophe les ressorts de sa propre philosophie ; philosophie qui aurait quand même été possible par cet autre en question, mais dont ce dernier aurait également failli à pousser jusqu’au bout toutes les potentialités. Ce n’est que dans ce contexte, pensons-nous, que nous pouvons comprendre que Marc Richir trouve déjà, en 1976, que dans la pensée de Hegel l’au-delà du renversement copernicien continue de jouer comme son horizon et que cette pensée repose implicitement sur la nouvelle cosmologie philosophique qui est, rappelons-nous ce qu’en dit Marc Richir, l’expression ultime, bien que non thématisée explicitement par Hegel lui-même, de l’absolu. De la même manière, comment comprendre autrement l’horizon ou l’impensé de l’ ‘idéalisme allemand’ tant chez Kant que chez Fichte où, à chaque fois, Marc Richir repère à l’œuvre, en 1976, implicitement et en creux, sa propre cosmologie philosophique, sa propre phénoménologie. Tout ceci étant a priori possible par la distorsion originaire des dimensions temporelles qui avait été mise en avant par notre auteur à la suite de ses travaux consacrés à Merleau-Ponty, en 1972.

Mais il y a encore plus. A la fin du second texte, Max Loreau écrit ceci : « Bousculant les données établies par ce qu’elles ont de plus central, il (Hegel) installe en effet au cœur même de l’univers traditionnel la possibilité de le faire éclater, et de reprendre la question de la pensée d’une façon toute nouvelle »[71]. Ne sera-ce pas le cas pour Husserl aux yeux de Marc Richir, comme il en est ici question pour Hegel à ceux de Max Loreau ? D’autant plus que Hegel et Husserl partageront le dessein que c’est « malgré tout au sein même d’une relation de perception au monde » qu’ils tiennent pour première, « si mythique soit-elle » ajoute Max Loreau à propos du seul Hegel, et dans laquelle ils travaillent, obnubilés tous deux par la chose externe perçue et l’objet imaginé. En revanche, le logos et le mouvement opèrent « en concurrence avec un univers – celui de la perception – dont le propre est d’avoir lieu dans la lumière et d’avoir celle-ci pour centre (infini) »[72]. « Pareil logos n’aurait pas lieu en elle (la sensation) non plus donc que dans la lumière et dessinerait les contours d’un champ où le langage, ne serait plus suspendu qu’à son propre déroulement et qu’on pourrait appeler le logique. Cette direction, il (Hegel) l’a suggérée sans la prendre »[73]. Car, « Hegel se borne à prendre le logos tel qu’il se présente dans la ponctualité du son ‘est’ ; il le limite à son être-là donné. Le mot ‘est’ est reçu, accepté : pris à la lettre comme une évidence, c’est-à-dire comme un être à voir qui se manifeste pleinement dans sa plénitude (e-videor) – et non pas petit à petit dans un traçage »[74]. Il resterait alors à entreprendre par Hegel et par-delà Hegel « la genèse du logos ; et que du coup, le logos sorte de là rénové, non plus postérieur à la sensation mais jaillissant, en train de se faire phénomène, en train de se temporaliser et de se frayer »[75], « dans un traçage »[76]. N’est-ce pas là le lieu propre pour le déploiement d’une phénoméno-logique ? Celle que Max Loreau arrivera à penser dans ses travaux futurs mais également, et à sa manière, elle aussi profondément neuve, celle que Marc Richir est en train de dessiner dans sa nouvelle phénoménologie et qui n’a pas pu, au cours de sa genèse, ne pas frayer le logique loreautien muni de sa forme, de son contenu et de sa méthodologie.

Voilà donc ce qui, en définitive, nous fait penser que l’importance de l’influence de ces textes de Max Loreau de la fin des années soixante sur la genèse des fondements phénoménologiques de la pensée de Marc Richir est très forte, même si, nous le savons maintenant, l’amplitude de cette influence est souterraine, implicite et, en quelque manière, enfouie au plus profond du geste richirien lui-même, comme si elle faisait corps avec lui, comme phagocytée à même la phénoménologie se faisant et se refondant. Ce qui rend cette influence, pour le moins, à la fois si difficile à extraire et à la fois si intéressante, et surtout, nous le pensons, pleine de ce qui permettra à Marc Richir de produire une nouvelle phénoménologie. A ce titre, la véritable coalescence des deux philosophes, que nous pointons dans cette étude, d’une part par l’intermédiaire de Hegel à la fin des années soixante et, d’autre part, par la quasi-indistinction des gestes d’écriture, démontre, s’il le fallait encore, cette étrange proximité dans la distance ou, plus justement dit, cette distance, en et par écart, comme rien mais non nulle. Mutatis mutandis, comme un Derrida qui, lui aussi et comme nous l’avons abordé dans d’autres travaux, ne vit dans la pensée richirienne, en quelque sorte, que dans la mesure où sa pensée de la différance – insigne mobilité spatio-temporelle d’espacement et de temporisation également – s’y love comme inséminée à même la geste phénoménologique elle-même, presque indiscernablement.

Il semble en tout cas que la force de leur action – à l’un comme à l’autre, Derrida comme Max Loreau – fût-elle en mode furtif, soit inversement proportionnelle à leur présence effective dans la textualité richirienne même. Comme si leur relative absence, non thématisée comme telle, comptait au monde phénoménologique naissant.

[1] Marc Richir, Fragments phénoménologiques sur le temps et l’espace, Jérôme Millon, coll. Krisis, Grenoble, 2006, p. 375.

[2] Marc Richir, Fragments phénoménologiques sur le langage, Jérôme Millon, coll. Krisis, Grenoble, 2008, p.10.

[3] Marc Richir, « Le statut phénoménologique du phénoménologue », Eikasia, revistadephilosofia.com, numero 40, septembre 2011, p. 98.

[4] Marc Richir, Fragments phénoménologiques sur le temps et l’espace, p. 187.

[5] Dans l’interprétation de l’exaiphnès, et de la troisième hypothèse du Parménide dans la classification néoplatonicienne, que propose Marc Richir (voir De la négativité en phénoménologie, p. 11). L’hyperbole, dans ce contexte, qui « est un mouvement d’aller au-delà (de ce qui paraît donné) ne retombe pas, en vertu du revirement par l’exaiphnès, ipso facto, dans un en-deçà qui serait la ‘préfiguration’ de l’au-delà, ni non plus dans le néant ou la pure indétermination, mais en une indéterminité de laquelle s’amorce (et s’amorce seulement, sans être déjà reconnaissable) le sens de ce qui paraît donné » (p.11).

[6] Marc Richir, De  la négativité en phénoménologie, Jérôme Millon, coll. Krisis, Grenoble, 2014, p. 11.

[7] Voir notre prochaine contribution à paraître, « De la cont(r)actibilité en phénoménologie », où nous analysons cette mobilité eu égard à la contraction et la décontraction systo-diastolique des topoï phénoménologiques à partir de l’architectonique richirienne.

[8] Robert Alexander, Phénoménologie de l’espace-temps chez Marc Richir, Jérôme Millon, coll. Krisis, Grenoble, 2013, 387 p. Ouvrage où nous synthétisons nos analyses de la spatio-temporalité richirienne – de la mobilité phénoménologique dont nous parlons ici – par ce que nous nommons l’élément ogkorythmique fondamental qui ramasse en un mot toute l’extrême densité philosophique d’une masse pulsatile non spatiale et non temporelle néanmoins en mouvement. Rythme volumique tout aussi bien que nous déclinons en multiples pouls philosophiques et qui semble traverser diagonalement par ses possibilités plastiques inouïes toute la dynamique phénoménologique nouvellement tracée par Marc Richir dans son œuvre.

[9] Nous nous consacrons par ailleurs à ce travail dans notre ouvrage en préparation, intitulé Max Loreau. Une phénoménologie contrariée, où nous tentons de montrer à l’œuvre une phénoménologie au bord d’elle-même, une sorte de re-fondation extra muros. Voir également notre étude consacrée en partie à Max Loreau : « Ogkorhythm », in Continental philosophy review, Contemporary French Phenomenology, Publischer Springer, Volume 45, Issue 3 (2012), Pages 403-410. Citons aussi l’ouvrage principal de Max Loreau : La genèse du phénomène – Le Phénomène, Le Logos, L’Origine, Paris, Minuit, 1989, 534 p. Et précisons que la disparition brutale de Max Loreau le 7 janvier 1990 interrompit ses recherches et que, à l’instar de Merleau-Ponty, nous disposons aujourd’hui, grâce aux bons soins si précieux de Francine Loreau et d’Eric Clémens, des ‘notes de travail’ et des écrits inachevés de Max Loreau parus dans Genèses, Paris, Galilée, 2001, 262 p.

[10] Voir notre ouvrage, déjà cité, en particulier notre premier chapitre, consacré notamment au rôle de la pensée loreautienne dans l’émergence de la nouvelle phénoménologie refondée et refondue de Marc Richir.

[11] Max Loreau, « Lecture de l’Introduction à la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel » (LIPEH), in Revue Textures, 69/5, pp. 3-34, p. 3. Article qui a été à nouveau publié, dix-huit ans plus tard, dans Max Loreau, En quête d’un autre commencement, Editions Lebeer Hossmann, Bruxelles, 1987, pp.11-42, sous le titre « L’introduction à la phénoménologie de l’esprit de Hegel ». Notons que dans cette réédition la note d’ouverture de l’éditeur (p. 3, note {a} dans la revue Textures) n’apparaît plus.

[12] Max Loreau, « Hegel et le corps récalcitrant (Lecture de la ‘Certitude Sensible’, chapitre 1er de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel) » (LCSPE), in Revue Textures, 70/7-8, pp. 55-102, p. 55. A nouveau publié dans Max Loreau, En quête d’un autre commencement, Editions Lebeer Hossmann, Bruxelles, 1987, pp. 43-89, sous le titre « Hegel et le corps récalcitrant (La certitude sensible) ». Notons qu’ici aussi la note d’ouverture de l’éditeur (p. 55, note {1} dans la revue Textures) n’apparaît plus. Ajoutons également qu’il y a tout lieu de croire que c’est Marc Richir lui-même qui a rédigé ces textes suite aux séances de lecture de Max Loreau. C’est en tout cas ce qu’une confidence de Marc Richir lui-même nous porte à penser. Reste que c’est bel et bien Max Loreau qui signe ces textes résultant de ses séances de lecture et qu’il n’est jamais question de Marc Richir, sauf si, comme nous le subodorons, nous lisons la note en octroyant au ‘nous’ Marc Richir lui-même, à la fois comme éditeur responsable (cfr. p. 2) de la revue et, semble-t-il donc, comme rédacteur de ces comptes rendus ; ce qui n’est pas en définitive tout à fait juste car il y a fort à parier que Max Loreau a relu soigneusement ces textes pour les signer seul et les rééditer bien plus tard sans les notes de l’éditeur. Afin d’être le plus complet possible, voici la note {a} restituée dans son entier de l’article de 1969 ainsi que la note {1}, également restituée dans son entier, de celui de 1970, et elles ont toutes les deux leur importance eu égard à nos ambitions de clarification : « Nous présentons ici le compte-rendu de séances de lecture consacrées à l’INTRODUCTION à la PHENOMENOLOGIE DE L’ESPRIT de Hegel, et données par Max Loreau à l’Université de Bruxelles au cours de l’année 1967-68. Nous avons délibérément sacrifié les aspects nécessairement pédagogiques de cette lecture au profit des perspectives originales qui s’en dégageaient. Si nous avons cependant résumé certains passages de l’exposé ‘pédagogique’ c’est pour tenter de restituer le rythme propre de la lecture, la manière dont elle s’articulait et se déployait sur le texte. », et « Ce texte est le condensé de séances de lectures faites par Max Loreau à l’Université Libre de Bruxelles au cours de l’année 1968-69 (1er semestre). Il constitue le prolongement du compte-rendu concernant l’Introduction publié dans Textures n. 5. ».

[13] Notons qu’il y soutiendra sa thèse de doctorat en philosophie en 1973.

[14] TL, p. 40.

[15] Marc Richir, De la négativité en phénoménologie, p. 11.

[16] LIPEH, p. 4.

[17] LIPEH, p. 4.

[18] LIPEH, p. 4. Note 1.

[19] Voir à ce sujet notre article, « La question du mouvement dans la phénoménologie de Marc Richir », Annales de phénoménologie, numéro 10, 2011, pp. 133-142, et qui a été traduit par les bons soins de Pablo Posada Varela, « La cuestion del movimiento en la fenomenologia de Marc Richir », Eikasia, revistadefilosofia.com, numero 47, janvier 2013, pp. 351-362 ; ainsi que notre ouvrage cité plus haut.

[20] Il nous semble important de préciser que Max Loreau, encore bien plus fortement que Marc Richir, ne cite, pour ainsi dire, jamais. Ni Derrida, ni Merleau-Ponty n’apparaîtront dans ses textes; et jamais non plus, n’apparaîtra le nom de Marc Richir, comme du reste à l’inverse, nous l’avons montré aussi par ailleurs, Max Loreau disparaîtra complètement des textes de Marc Richir après 1976 et avant d’y avoir vécu presque exclusivement en note ; alors même qu’ils vont tous deux mener, à partir de 1969 pour l’un et 1975 pour l’autre, une vie consacrée presque entièrement à la philosophie, et qu’ils publieront tous deux, somme toute, beaucoup. Qu’ils ne se soient pas lus l’un l’autre entre les années 7O et la fin des années 80 nous semble bien improbable. Rappelons que Max Loreau meurt prématurément le 7 janvier 1990. Il a notamment publié, en 1989, une introduction à la genèse du phénomène sous le titre La genèse du phénomène qui n’a pas pu passer inaperçue à Marc Richir. Inversement, Max Loreau a-t-il suivi de près son étudiant ? Rien ne nous permet de l’affirmer avec certitude. Seule une étude, encore à faire, en profondeur, du travail de Max Loreau devrait nous permettre d’étudier, cette fois, l’influence qu’a pu avoir Marc Richir sur son maître. Ce qui nous semble en tout cas important à signaler est que leur ignorance commune explicite ne signifie pas, que du contraire et c’est ce que nous pensons, leur absence d’influence réciproque. Nous tentons, à cet égard, de le montrer ici, en tout cas dans le sens de l’influence du travail de Max Loreau sur celui de Marc Richir.

[21] LIPEH, p. 14.

[22] LIPEH, p. 16.

[23] LIPEH, p. 16.

[24] LIPEH, p. 17.

[25] LIPEH, p. 17.

[26] LIPEH, p. 16.

[27] LIPEH, p. 17.

[28] LIPEH, p. 17.

[29] LIPEH, p. 20.

[30] LIPEH, p. 20.

[31] LIPEH, p. 21.

[32] LIPEH, p. 21.

[33] LIPEH, p. 21.

[34] LIPEH, p. 23.

[35] LIPEH, p. 24.

[36] LIPEH, p. 25.

[37] LIPEH, p. 25.

[38] LIPEH, pp. 25-26.

[39] LIPEH, p. 25.

[40] LIPEH, p. 26.

[41] LIPEH, p. 26.

[42] LIPEH, p. 26.

[43] LIPEH, p. 27.

[44] LIPEH, p. 26.

[45] LIPEH, p. 27.

[46] LIPEH, p. 28.

[47] LIPEH, p. 28.

[48] LIPEH, p. 29.

[49] LIPEH, p. 30.

[50] LIPEH, p. 30.

[51] LIPEH, p. 30.

[52] LIPEH, p. 31.

[53] LIPEH, p. 32.

[54] LIPEH, p. 33.

[55] LIPEH, p. 33.

[56] LIPEH, p. 33.

[57] LIPEH, p. 34.

[58] LIPEH, p. 34.

[59] LIPEH, p. 10.

[60] LIPEH, p. 13.

[61] LIPEH, p. 13.

[62] LIPEH, p. 16.

[63] LIPEH, p. 18.

[64] LIPEH, p. 21.

[65] LIPEH, p. 34.

[66] LCSPE, p. 84.

[67] LCSPE, p. 95.

[68] LCSPE, p. 96.

[69] LCSPE, p. 99.

[70] LCSPE, p. 99.

[71] LCSPE, p. 101.

[72] LCSPE, p. 101.

[73] LCSPE, pp. 101-102.

[74] LCSPE, p. 102.

[75] LCSPE, p. 102.

[76] LCSPE, p. 102.